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pour moi étoit dans celle que vous diriez bien, je serois un exemple de grande fortune aux siècles présents et à venir.


1670

125. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À COULANGES.

À Paris, ce mercredi 24e décembre.

Vous savez présentement l’histoire romanesque de Mademoiselle et de M. de Lauzun. C’est le juste sujet d’une tragédie dans toutes les règles du théâtre. Nous en réglions les actes et les scènes l’autre jour ; nous prenions quatre jours au lieu de vingt-quatre heures, et c’étoit une pièce parfaite. Jamais il ne s’est vu de tels changements en si peu de temps ; jamais vous n’avez vu une émotion si générale ; jamais vous n’avez ouï une si extraordinaire nouvelle. M. de Lauzun a joué son personnage en perfection ; il a soutenu ce malheur avec une fermeté, un courage, et pourtant une douleur mêlée d’un profond respect, qui l’ont fait admirer de tout le monde[1]. Ce qu’il a perdu est sans prix ; mais les bonnes grâces du Roi, qu’il a conservées, sont sans prix aussi, et sa fortune ne paroît pas déplorée. Mademoiselle a fort bien fait aussi ; elle a bien pleuré ; elle a recommencé aujourd’hui à rendre ses devoirs au Louvre, dont elle avoit reçu toutes les visites. Voilà qui est fini. Adieu.


  1. LETTRE 125. — Voyez, dans le dernier appendice aux Mémoires de Mademoiselle (tome IV, p. 624), la lettre du Roi à ses représentants à l’étranger.