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du comte des chapelles[1]

Il seroit difficile, Madame la Comtesse, que cette vertu eût moins d’occupation où vous êtes[2], qu’elle n’en avoit quand vous écriviez cette belle et cruelle sentence. Il me souvient, hélas ! que j’étois jaune et mourant, et que vous étiez belle et de bon goût, et qu’ainsi vous n’aviez aucune occasion de vous entretenir dans cet exercice. Il vaut bien mieux que je vous parle d’une autre devise que j’ai retrouvée auprès de celle-là, et qui est écrite du même temps :

Mas morir en presencia
Che viver en absentia[3].

Celle-ci me plaît encore à tel point que je crois que je la rendrai véritable, et que je ne sortirai pas deux fois en ma vie des Rochers sans en mourir de regret. Peut-être eût-ce été mieux fait, mourir pour mourir, de mourir dès la première fois ; car, toute belle et charmante que vous êtes, personne n’est encore mort à votre honneur ; et nous en aurions eu beaucoup tous deux, si j’avois eu cet esprit-là. Mais, comme vous savez, Madame, ce qui ne se fait pas une fois, se peut faire une autre ; et je trouve même, pourvu qu’on ôte à notre Marquise la part qu’elle y prétend, qu’il sera encore plus glorieux pour vous, de mourir dans un lieu où l’on se souvient que vous

  1. 5. Voyez la note 7 de la lettre 193.
  2. 6. On lit dans le manuscrit : « Il seroit difficile. que cette occupation eût moins où vous êtes. » Il y a sans doute un mot passé. Nous nous sommes conformé à l’édition de 1764, la première où cette lettre ait paru.
  3. 7. Plutôt mourir en présence (de l’objet aimé) que mourir en (son) absence. — À ce texte espagnol, que nous donnons d’après le manuscrit, le chevalier de Perrin a substitué une phrase italienne : Meglio morir in presenza che viver in assenza.