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étant persuadée par la Reine, Monsieur, et plusieurs barbons[1], que cette affaire faisoit tort à sa réputation, il se résolut de la rompre, et après avoir fait venir Mademoiselle et M. de Lauzun, il leur déclara, devant Monsieur le Prince, qu’il leur défendoit de plus songer à ce mariage.

M. de Lauzun reçut cet ordre avec tout le respect, toute la soumission, toute la fermeté, et tout le désespoir que méritoit une si grande chute. Pour Mademoiselle, suivant son humeur, elle éclata en pleurs, en cris, en douleurs violentes, en plaintes excessives ; et tout le jour elle n’a pas sorti de son lit, sans rien avaler que des bouillons. Voilà un beau songe, voilà un beau sujet de roman[2] ou de tragédie, mais surtout un beau sujet de raisonner et de parler éternellement : c’est ce que nous faisons jour et nuit, soir et matin, sans fin, sans cesse. Nous espérons que vous en ferez autant, e fra tanto vi bacio le mani[3]


1670

123. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY RABUTIN.

À Paris, ce 19e décembre 1670.

Voilà M. de Plombières[4] à qui je parlois de vous avec plaisir et déplaisir. Je ne vous fais pas valoir, mon cher

  1. LETTRE 122. — 1. « La Reine même, qui ne se mêloit de rien, parla au Roi fortement ; Monsieur encore davantage, et Monsieur le Prince dit au Roi, quoique respectueusement, qu’il iroit à la messe du mariage du cadet Lauzun, et qu’il lui casseroit la tête, en sortant, d’un coup de pistolet. » (Mémoires de la Fare, tome LXV, p. 182.)
  2. 2. Voyez les Caractères de la Bruyère, vers la fin du chapitre de la Cour.
  3. 3. Dans les éditions de 1726 et dans celle de 1734, on a remplacé le texte italien par la traduction suivante : « Et sur cela je vous baise très-humblement les mains. »
  4. LETTRE 123. — 1. Ce nom n’est indiqué dans les anciennes édi-