Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 225 —

1671

passé avec plaisir sur toutes nos vieilles admirations. Nous avons aussi un livre nouveau de Nicole[1] ; c’est de la même étoffe que Pascal et l'Éducation d’un Prince[2] ; mais cette étoffe est merveilleuse : on ne s’en ennuie point.

Nous serons le 27e aux Rochers, où je trouverai une de vos lettres : hélas ! c’est mon unique joie. Vous pouvez ne me plus écrire qu’une fois la semaine, parce qu’aussi bien elles ne partiront de Paris que le mercredi, et j’en recevrois deux à la fois[3]. Il me semble que je m’ôte la moitié de mon bien ; cependant j’en suis aise, parce que c’est autant de fatigue retranchée en l’état où vous êtes. Il faut que je sois devenue de bonne humeur pour vouloir bien que vous preniez cela sur moi. Mais, ma fille, au nom de Dieu, conservez-vous, si vous m’aimez. Ah ! que j’ai de regret à votre aimable personne ! N’aurez-vous jamais un moment de repos ? Faut-il user sa vie à cette continuelle fatigue ? Je comprends les raisons de M. de Grignan ; mais en vérité, quand on aime une femme, quelquefois on en a pitié.

Mon éventail est donc venu bien à propos ; ne l’avez-vous pas trouvé joli ? Hélas ! quelle bagatelle ! ne m’ôtez pas ce petit plaisir quand l’occasion s’en présente, et remerciez-moi de la joie que je me donne, quoique ce ne soit que des riens. Mandez-moi bien de vos nouvelles : c’est là de quoi il est question. Songez que j’aurai une de vos lettres tous les vendredis ; mais songez aussi que

  1. 6. « Le premier volume des Essais (de morale) parut en 1671, sous le nom de Mombrigny, et les autres successivement. L’auteur prit dans le second et le troisième le nom de Chanteresne ; mais dans le quatrième volume, qui parut en mars 1678, il cessa de mettre aucun de ces noms postiches, devenus inutiles par la renommée. » (M. Sainte-Beuve, Port-Royal, tome IV, p. 351.) — Voyez la Notice, p. 168 et suivantes.
  2. 7. Voyez la note 2 de la lettre 113.
  3. 8. Comparez les lettres des 7, 10 et 21 juin 1671, celles du 27 novembre, 1er et 4 décembre 1675, et 5 janvier 1676.