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notre bonhomme[1] qui m’attendoit ; je n’aurois pas voulu manquer à lui dire adieu. Je le trouvai dans une augmentation de sainteté qui m’étonna : plus il approche de la mort, et plus il s’épure. Il me gronda très-sérieusement ; et transporté de zèle et d’amitié pour moi, il me dit que j’étois folle de ne point songer à me convertir ; que j’étois une jolie païenne ; que je faisois de vous une idole dans mon cœur ; que cette sorte d’idolâtrie étoit aussi dangereuse qu’une autre, quoiqu’elle me parût moins criminelle ; qu’enfin je songeasse à moi. Il me dit tout cela si fortement que je n’avois pas le mot à dire. Enfin, après six heures de conversation très-agréable, quoique très-sérieuse, je le quittai, et vins ici, où je trouvai tout le triomphe du mois de mai. Le rossignol, le coucou, la fauvette,
Dans nos forêts ont ouvert le printemps.
Je m’y suis promenée tout le soir toute seule ; j’y ai trouvé toutes mes tristes pensées ; mais je ne veux plus vous en parler. Ce matin on m’a apporté vos lettres du 4e de ce mois : qu’elles viennent de loin quand elles arrivent à Paris ! J’ai destiné une partie de cet après-dîner à vous écrire dans ce jardin, où je suis étourdie de trois ou quatre rossignols qui sont sur ma tête. Ce soir je m’en retourne à Paris pour faire mon paquet et vous l’envoyer.
Il est vrai, ma bonne, qu’il manqua un degré de chaleur à mon amitié, quand je rencontrai la chaîne des galériens[2] : je devois aller avec eux vous trouver, au lieu de ne songer qu’à vous écrire ; je m’en fais des reproches à moi-même. Que vous eussiez été agréablement surprise à Marseille de me trouver en si bonne compagnie ! Mais vous y allez donc en litière ? quelle fantaisie ! J’ai vu que vous