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336 CH. DE SÉVIGNÉ ET DACIER

core y parvenir. Pour revenir à notre question, en quittant des matières si sublimes, je demande à M. D**si ces vérités mathématiques qui sont encore a découvrir, sont « communes », ou si elles ne le sont pas. Si M. D** étoit parvenu à connoître la raison qu’il y a entre une ligne courbe et une ligne droite, et par ce moyen qu’il eût connu parfaitement la quadrature du cercle, se trouveroit-il dignement loué, si celui qui porteroit la parole pour tout le corps des mathématiciens lui disoit « Nous venons, Monsieur, vous rendre mille grâces de ce que vous avez été plus loin qu’Àrchimède, et de ce que vous nous avez fait connoître une vérité « commune ». sur laquelle on avoit toujours travaillé inutilement. EUe étoit « comte mune », cette vérité; mais vous seul avez eu l’honneur de la pénétrer, et de « commune qu’elle étoit vous l’avez rendue publique. » Je suis sùr que M. D** trouveroit que celui qui lui parleroit ainsi diroit une sottise. Pourquoi donc la veut-il faire dire à Horace ? Voudroit-il bien soutenir que la quadrature du cercle est « commune ? » aujourd’hui, parce qu’elle est dans les trésors de la nature ? P N’y a-t-il pas bien plus de bon sens à croire qu’ellene sera jamais « commune » qu’après que M. D** l’aura trouvée?

J’ai eu peine à comprendre comment ce qui sera inventé dans deux cents ans, pouvoit être « commun » aujourd’hui; et j’avois demandé à M. D** s’ilauroit bien le courage d’appeler « communes» M des choses qui ne sont pas encore. Mais cela ne l’embarrasse pas, et surtout dans M Art poétique, oit il veut toujours qu’Horace ait parlé comme le P. de Malebranche. Voici sa réponse

M. D* « J’aurois ce courage assurément, et je croirois trèsbien parler de les appeler communia, « communes », si j’écrivois en grec ou en latin car tout ce qui sera inventé dans deux mille ans, est aujourd’hui dans la nature. »

Réponse. Il en faut toujours revenir à dire comme Thomas Diafoirus potentialité!; concéda; matcricditer, nego l. Si jamais M. D** ose, audet, mettre le mot communia à cet usage, je lui conseille avec toute la sincérité d’un homme qui veut être de ses amis, de n’écrire ni en grec, ni en latin, mais en chaldéen, en syriaque, ou en quelque autre langue encore moins connue, afin d’avoir moins de lecteurs; autrement

Romani tollent équités peditesque cachinnum s.

r. Voyez ci-dessus, p. 335, note r.

a. Art poétique, vers Ii3 « Vous serez assurément le jouet du peuple et des chevaliers. » (Traduction de Dacier.)