Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1692 voir un moment et d’être à deux pas de vous : ce goût que j’ai pour vous ne m’a point passé, vous êtes mon idée plus que jamais ; et plus que jamais votre dupe[1]si vous me trompez. L’abbé Têtu a gagné ce mal : il dit qu’il avoit fermé sa boutique pour l’amitié, mais qu’il la rouvre pour vous, et qu’il n’oubliera jamais la dernière visite que vous lui avez faite la veille de votre départ. J’aime à parler de vous avec lui. Mandez-moi comme se porte votre âme, et de quelle sorte de tranquillité vous jouissez présentement qu’il ne peut plus arriver nul tremblement de terre dans vos affaires. Mandez-moi, je vous supplie, Madame, un petit mot des miennes. La pauvre Mme de Béthune vient de perdre son mari très-aimable en Suède[2] ; cette pauvre créature a toujours été livrée aux plus vives passions : elle adoroit son mari, elle en étoit jalouse ; les Furies l’avoient suivie[3]jusqu’en Pologne : ah ! quel état ! Jouissez, Madame, de la paix que Dieu vous fait sentir présentement ; vous avez eu vos peines, vous en avez fait un sacrifice. Dieu sensible au

  1. 4. Y a—t-il ici ellipse ou omission du mot moi, ou de je suis ? voyez le commencement de la lettre du 30 novembre suivant, et la fin de celle du 10 mars 1693, p. 89, 90, et p. 107.
  2. 5. On lit dans la Gazette du 31 octobre : On a eu avis de Stockholm que le marquis de Béthune, ambassadeur extraordinaire de France, y étoit mort le 3, après six jours de maladie, étant fort regretté à la cour de Suède. — Voyez tome II, p. 54, seconde partie de la note 9. Voyez aussi le Journal de Dangeau et une longue addition de Saint-Simon, au 25 octobre 1692. — Mme de Béthune était cousine germaine de la première femme du comte de Guitaut. Elle se retira à Paris à la mort de son mari, et y vécut « tantôt pimpante, tantôt gueusante, avec beaucoup d’esprit, d’humeur, de bizarrerie, et un corps de fer qui est parvenu à quatre-vingt-douze ou treize ans. » (Saint-Simon, Journal de Dangeau, tome IV, p. 190.) Elle mourut le 11 novembre 1728.
  3. 6. Mme de Sévigné a écrit par inadvertance : suivies. — Deux lignes plus loin, elle avait mis d’abord : « senti vos peines, » puis elle a effacé senti, pour écrire eu au-dessus.