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1691 me tient le plus au cœur, qui est la pension que le Roi vous a donnée[1], dans un temps où vous aviez l’honnêteté de n’oser quasi lui demander. Cette circonstance m’a plu ; car encore que la grâce soit considérable, il ne faut pas oublier les agréments dont elle est accompagnée. Je ne sais pas tout le détail, et je vous le demande ; mais il me semble que j’entrevois que M. de Beauvilliers a bien fait en cette occasion le personnage d’un des plus honnêtes hommes du monde, et celui de bon ami, qui n’est pas moins estimable et qui n’en sauroit être séparé. Le cœur me disoit que vous sentiriez tôt ou tard le prix d’une amitié si précieuse ; et j’ai une joie sensible de ne m’être pas trompée. Il faut aimer tout ce que Dieu fait. Il n’a pas voulu que votre fortune fût telle que selon toutes les apparences elle devoit être ; il faut s’y soumettre, et je crains d’avoir été plus sensible que vous à cette privation. Il faut accepter et recevoir ce qui[2]lui plaît de vous donner dans un temps où vos malheurs rendent ce bienfait digne de beaucoup de reconnoissance. Il faut donc remercier Dieu, le Roi, et votre admirable ami : c’est ce que je fais intérieurement, mon cher cousin, avec tous les sentiments qui m’ont rendue trop sensible à tous les maux de votre vie. Voilà le compliment trop sincère que vous recevrez de moi. En voici d’autres, qui, pour n’être pas si intéressés, n’en sont pas moins agréables : c’est de M. de Grignan, c’est de ma fille, de mon fils, et de M. de Coulanges, qui revient de Rome[3]. Ils vous

  1. 3. Voyez la lettre suivante. On lit dans le Journal de Dangeau, au 16 octobre 1691 : « Le Roi a donné à M. de Bussy, autrefois mestre de camp général de la cavalerie, une pension de quatre mille francs. »
  2. 4. Tel est le texte du manuscrit. Dans les éditions, dès la première, on a corrigé qui en qu’il.
  3. 5. Coulanges était arrivé à Marseille avec le duc de Chaulnes le soir du 11 octobre, et après y avoir passé huit jours, il s’était rendu à Grignan. « Nous y trouvâmes (à Marseille), dit-il dans ses Mémoires,