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1691 en comparaison d’un homme qui ne tient à rien, qui est comme un oiseau, qui ne tient qu’une place nécessaire, et dont l’esprit doit être aussi libre que le corps. Combien de fois, mon cher Monsieur, seriez-vous content par vous-même, que vous seriez peut-être chagrin par cette moitié qui seroit fâcbée ? Quel partage, quelle attention, quelle diversion ne feroit point cette liaison, dans un esprit aussi libre et aussi naturel que le vôtre ! voilà ce qui fait soupirer et regretter de ne pouvoir pas profiter de quelque chose d’aussi bon que vous ; car je vous assure que rien ne se peut ajouter à l’estime parfaite qu’on a pour vous ; elle passe tout ce que j’en connoissois. Mais le moyen de répondre à ces difficultés ? et comment votre sincérité pourroit-elle les contester ? Si on étoit toujours dans le même lieu ! mais l’année est partagée, et la vie aussi, car on prétend aller à Paris et revenir selon les occasions : jugez vous-même de ces débarquements. Voilà, mon cher Monsieur, ce que je vois dans l’esprit des personnes du monde qui vous estiment le plus, et qui sont à plaindre encore plus que vous.

Pour les sentiments que vous me demandez pour cette chère moitié, il ne faudroit que votre considération pour vous en répondre à vous-même, mais en y joignant la sienne, vous pouvez penser quelle double raison de l’estimer ! Pour ma haute piété, je vous assure, mon cher Monsieur, qu’elle est tout comme vous l’avez laissée. C’est avec douleur que je vous l’annonce, mais il faut dire la vérité : il est certain que j’ai toujours le même amour que vous m’avez vu pour les bonnes choses ; voilà tout ce que j’ai de bon. Je suis assez de votre sentiment sur les partis extraordinaires. Il seroit juste de donner un bon exemple où peut-être on a donné du scandale ; mais il faut respecter ces chemins peu battus de la Trappe