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1691 poir. La mort de M. de Louvois doit faire prendre patience à tout le monde. Il y a tant de choses à dire sur ce sujet, qu’une lettre n’y peut suffire. Venez à Paris le plus tôt que vous pourrez. J’espère d’y être en octobre prochain ; si je vous y trouve, comme je le souhaite, je vous montrerai choses nouvelles[1], et la fortune d’ici là nous fournira de la matière à raisonner ensemble. Je rends mille grâces à M. et à Mme de Grignan de l’honneur de leur souvenir. J’aime la petite fille qui a du goût pour moi, et je l’en estime davantage. Pour M. de Sévigné, il y a longtemps que je lui ai trouvé d’heureux commencements. Je crois que vous et lui l’avez bien achevé, de sorte que ce que nous sommes l’un à l’autre lui et moi, la reconnoissance de l’amitié qu’il m’a toujours témoignée, et le mérite que j’aime et que j’estime partout où je le rencontre, m’attachent fortement à lui. Pour vous, ma chère cousine, qui m’assurez que vous ne pouvez jamais cesser de m’aimer, vous m’obligez infiniment par cette assurance.

Je ne connois pas Larrey : on dit qu’il a du mérite à la guerre Son père, avec qui nous avons tant ri, avoit de l’esprit, point de jugement ni de probité ; il étoit né sans bien, il en avoit volé à Bordeaux[2]en servant feu Monsieur le Prince ; il en mangea une partie, et Monsieur le Prince lui reprit l’autre. Adieu, ma chère cousine : mon bel esprit pardonne aisément à votre lettre, toute terre à terre que vous la croyez.

  1. 12. Tel est le texte du manuscrit.
  2. 13. Lenet avait été l’un des principaux agents du prince de Condé et de la duchesse de Longueville, dans les troubles de la Fronde, et durant le séjour que cette princesse fit à Bordeaux. Il ne faut pas au reste oublier que Bussy s’était brouillé avec Lenet, dont il avait été l’ami. (Note de l’édition de 1818.)