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tions. Vous êtes devenue si raisonnable, si dégagée des sentiments qui font les conduites bizarres et capricieuses, que Je puis vous répondre de mo1, parce que Je me réponds de vous. J'ai fort envie que nous éprouvions l’une et l'autre l’égalité et la douceur d’un commerce aimable et tendre. J’ai fort envie de vous avoir auprès de moi, mais je me pique d'amour pur et désintéressé ; vous savez que je connois la richesse des privations ; le bonheur de s’y accoutumer est le plus réel de la vie.

Le roi d’Espagne [1] a rempli toutes les lettres comme il remplissoit tous les esprits et toutes les conversations. Ne seriez-vous po1nt curieuse de voir en ce pays Messieurs les princes ? C`est une belle occasion de leur en faire les honneurs. Mais il ne faut point tenter le jeune Télémaque [2]de s’arrêter dans le cours de ses voyages ni de lui présenter quelqu’un de plus a1mable qu’Eucharis[3] et qu'il auroit peut-être plus de peine à quitter : cette raison vous retiendra.

Je suis peu surprise de vos prospérités chez M. et Mme de Chamillart[4] :ce n`est pas à leur bonté et à leur égalité que vous devez leur constance, c’est à vous et à leur bon goût. Je ne vous parle point de mon retour. parce que ce discours est inutile à vous qui savez mes sentiments, et au monde qui ne s’en soucie point.

  1. 1. Philippe V quitta Versailles le samedi 4 décembre 17oo. Ses deux frères, les ducs de Bourgogne et de Berri, l’accompagnèrent jusqu’à la frontière, où ils se séparèrent (dans l’ile des Faisans), le samedi 22 janvier. Les princes revinrent par Auch, Toulouse, la Provence, le Dauphiné, Lyon et Dijon. Sur leur séjour en Provence, voyez ci-dessus, p. 459 et note 3.
  2. 2. Voyez ci-dessus, p. 478, note 10.
  3. 3. Voyez le livre VI du Télémaque.
  4. 4. Voyez ci-dessus, p. 440, note 8, et p. 538, note 7.