Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/549

Cette page n’a pas encore été corrigée

de la glace, et que tout le monde me vient dire que cela me tuera, cette pensée me met dans une telle incertitude, qu'encore que je me trouve bien de ce qu`il m’ordonne, je ne le fais pourtant qu'en tremblant. Adieu, ma très-chère : vous savez bien qu`on ne peut vous aimer plus tendrement que je fais.

  • 2. -- DE MADAME DE SÉVIGNÉ A MADAME

DE GRIGNAN[1]

.... Enfin l`absence est affreuse je ne m’y accoutume point ; au contraire, j`en suis toujours plus affligée : notre destinée est étrange. Je ne comprends point ce grand mystère que vous faites de la providence de Dieu : je ne trouve rien au monde de si aisé à comprendre dès que l'on veut bien le regarder comme le créateur de toutes choses et le maître absolu de toutes ses créatures et de son univers. Il fait agir nos volontés selon les fins qu’il a réglées : par exemple, sans aller plus loin , il veut que je vous aime d`une inclination et d`une tendresse extraordinaire ; il lui plaît de mêler dans votre établissement, que nous avons voulu[2], des absences cruelles pour nous mortifier, pour nous faire souffrir : nous en faisons l'usage qu'il lui plaît. Nous nous retrouverons, ma bonne, par cette même volonté. Je la vois, je la regarde toujours au travers de mille amertumes : il me semble que toutes les causes secondes sont autant de mains qui exécutent les

  1. LETTRE 2. -- 1. Ce fragment, que nous croyons inédit, est tiré de l’ancien manuscrit qui nous a fourni tant d’additions et de rectific
  2. 2. Ceci pourrait porter à croire que le fragment faisait partie d’une lettre écrite peu de temps après le mariage de Mme de Grignan et son premier départ pour la Provence.