Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/539

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 533 —

longtemps que je pourrai, car la dame de ce château n’y regarde pas de si près ; et par son ordre je viens d’écrire à Mme de Coulanges, non-seulement de venir vivre sous son empire, mais d’y amener encore l’anachorète Sévigné[1]. Voici en vérité une bonne maison, Madame, et votre bonne voisine est pardonnable de la préférer à la sienne, quelque avantageux que lui soit votre voisinage, dont elle connoît tout le mérite. Rien ne lui fait tant d’honneur dans cette cour que d’être informée par vous de tout ce qui se passe et de tout ce qui se dit dans le monde. Pour son intérêt et pour le nôtre, continuez, Madame, à nous faire part de toutes vos lumières, car souvent, quelques[2] bonnes habitudes que nous ayons à Versailles et à Marly, il nous échappe bien de petits riens qui ne laissent pas de faire plaisir. Traitez-nous donc à peu près comme vous traitez M. de la Garde depuis tant d`années[3], et soyez persuadée que vous ne sèmerez point en terre ingrate. Je vous promets pour récompense d’augmenter votre pot-pourri de beaucoup d’herbes odoriférantes. Tous les jours il en naît quel

    ait été conservé. « On ne mangea dans Paris, dit Voltaire, que du pain bis pendant quelques mois ; plusieurs familles, à Versailles même, se nourrirent de pain d’avoine ; Mme de Maintenon en donna l’exemple, » (Siècle de Louis XIV, chapitre XXI.)

  1. Charles de Sévigné menait alors la vie la plus retirée ; il avait déjà manifesté ce goût du vivant de sa mère, qui mandait au président de Moulceau, le 25 octobre 1686 (tome VII, p. 524 et 525) : « Il s’en est retourné chez lui avec un fonds de philosophie chrétienne, chamarrée d’un brin d’anachorète. » Et Mme de Coulanges écrivait à Mme de Grignan, le 7 juillet 1703 (ci-dessus, p. 491) : « Je suis persuadée qu’il va être le compagnon du P. Massillon, c’est son premier métier que celui d’être dévot. »
  2. Dans l’autographe : quelsques.
  3. On a encore bon nombre de lettres adressées par la marquise d’Uxelles au marquis de la Garde, et nous en avons cité quelques-unes. Voyez tome IX, p. 390 et note 50.