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notre grand cardinal, qui ne cesse point de me caresser et de me marquer combien il est aise de me tenir dans son désert, à vous dire vrai, le plus agréable du monde ; car je n'ai jamais vu un si joli pays, ni aux environs des promenades plus à la main. Il accommode fort son château, et c'est un grand secours à qui ne veut point se livrer aux visites de ses voisins de province[1], que d'avoir des ouvriers en plus d'un atelier chez soi, pour faire quelque diversion aux occupations ordinaires. Notre cardinal soutient avec vérité bien noblement sa retraite, et sa bonne santé rend un bon témoignage de sa résignation à la Providence et de la fermeté de son esprit. Voici cependant, à qui le voudroit, une habitation qui ne seroit pas tout à fait dans la Thébaïde, car nous sommes à cinq lieues tout au plus loin de bien des gens qui ont des noms.

Le noble château de Paray

De noblesse est tout entouré,

De noblesse plus ou moins riche :

  1. 2. Le cardinal de Bouillon ne voyait personne, et il écrivait peu à ses amis. Voici ce qu’il mandait le 20 juillet 1701 à la marquise d’Uxelles : « Quelque résolution, Madame, que j’aie prise de n’av0ir, dans l’état où je suis, tant qu’il durera, aucun commerce de lettres avec les personnes même que j’estime et que j'aime le plus .... je ne puis néanmoins être plus longtemps sans succomber à la tentation de vous renouveler, tout vieux doyen que je suis du sacré collège, une passion que vous fîtes naître dans mon cœur .... il y a près de quarante ans, etc. » (Note de l'Edition de 1820.) Sur le décanat que le cardinal rappelle ici avec complaisance, voyez Saint-Simon, tome II, p. 365, 414 et 415. « Le cardinal de Bouillon, dit-il au premier endroit cité, devenu sous-doyen du sacré collège, eut le plaisir d’ouvrir la porte sainte du grand jubilé du renouvellement du siècle, par l’in£irmité du cardinal Cibo , doyen (mort dansl'année, le 2I juillet). Il en fit frapper des médailles et faire des estampes et des tableaux. On ne peut marquer un plus grand transport de joie, ni se croire plus honoré et plus grand de cette fonction , qu’il ne devoit pourtant à aucun choix. »