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1691 sang d’un nombre infini de martyrs ; qu’aux premiers siècles, toutes les intrigues du conclave se terminoient à choisir entre les prêtres celui qui paroissoit [avoir] le plus de zèle et de force pour soutenir le martyre ; qu’il y eut trente-sept papes qu1 le souffrirent l’un après l’autre, sans que la certitude de cette mort les fît fuir ni refuser cette place[1]où la mort étoit attachée, et quelle mort ! vous n’avez qu’à lire cette histoire. L’on veut qu’une religion subsistante par un miracle continuel et dans son établissement et sa durée, ne soit qu’une imagination des homme[2] ! Les hommes ne pensent point ainsi. Lisez saint Augustin dans la Vérité de la religion[3] ; lisez l’Abbadie[4], bien différent de ce grand saint, mais très-digne de lui être comparé, quand il parle de la religion chrétienne (demandez à l’abbé de Polignac s’il estime ce livre) : ramassez donc toutes ces idées, et ne jugez point si frivolement[5] ; croyez que, quelque manège qu’il y ait dans le conclave, c’est toujours le Saint-Esprit qui fait le pape ; Dieu fait tout, il est le maître de tout, et voici comme nous devrions penser (j’ai lu ceci en bon lieu) : « Quel trouble[6] peut-il arriver à une personne qui sait que Dieu fait tout, et qui aime tout ce que Dieu fait ? » Voilà sur quoi je vous laisse, mon cher cousin. Adieu.

  1. 10. « Sans que la certitude de cette fin leur fît fuir ni refuser une place, etc. » (Edition de 1751.)
  2. 11. « Vous n’avez qu’à lire cette histoire, pour vous persuader qu’une religion… et dans sa durée, ne peut être une imagination des hommes. » (Ibidem.)
  3. 12. Sans doute le livre de la Véritable religion traduit par du Bois : voyez tome IX, p. 434, note 5.
  4. 13. Le Traité de la Vérité de la Religion chrétienne : voyez tome VIII, p. 33, note 12 ; p.☞ 162, note 6 ; et tome IX, p. 316.
  5. 14. « Si légèrement. » (Édition de 175I.)
  6. 15. « Quel mal. » (Ibidem.)