Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/529

Cette page n’a pas encore été corrigée

une très-bonne nuit, nous restàmes trés-dévotement une grande partie du samedi, qui étoit le jour de la Vierge[1]; car nous n`en partîmes que sur le soir, pour venir coucher dans ce château, qui n'en est qu`à deux lieues, et où nous sommes depuis douze jours. C`est le lieu du monde le plus agréable, et embelli par les soins de notre cardinal, qui y a fait des dedans et des dehors qui mériteroient bien un pays plus fréquenté ; car je n`ai jamais vu un désert qui ait plus d`agréments. Ce n’est plus la Saône ni la Grosne qui arrosent nos terres, mais une petite rivière de Bourbance, qui jolie et fort raisonnable dans de certains temps, comme dans cette saison-ci, devient dans d'autres fort déraisonnable par ses débordements. Cette petite rivière embellit une des plus jolies vues qu'on puisse voir. Nous avons de très-aimables jardins, une terrasse toute pleine de mérite, et des jets d'eau, de trente-cinq pieds de haut, dont on feroit cas dans une maison royale. Les dehors nous fournissent des promenades charmantes, et entre autres dans une belle et grande forêt fort à la main, ou les chênes, qui donnent de la tête dans les nues, ne sont pas moins beaux et verts qu'au premier jour de l`univers. Mais ce lieu si charmant est à huit grandes lieues de la poste, et voilà son seul défaut, et ce qui m'a empêché, Madame, de vous remercier plus tôt de votre première lettre et de votre seconde, qui étant encore adressée à Tournus, m`est venue comme par miracle. Je n'en ai pas fait un moindre usage que de la première ; elle n`a pas été moins approuvée de notre grand cardinal, et l’abbé de Montrevel, qui nous est revenu depuis deux jours, a été ravi de voir que vous continuiez à y faire mention honorable de toute sa couvée. Il doit venir cet hiver à Paris, et déjà je l`ai prié,

  1. 16. Le 15 août, jour de l’Assomption.