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plus beaux de l’Europe ! Tout mon déplaisir est qu'il ne sera point dans un lieu plus à la main pour être vu et admiré ; mais il a de si bonnes et de si pertinentes raisons pour signaler là la mémoire de ses ancêtres et de leurs descendants, qu’il n`y a pas moyen de ne les pas approuver[1]. Nous passâmes tout le reste du jour assez ennuyeusement dans Cluny. Le lendemain, par des chemins diaboliques, dans une bonne litière, avec notre charmant cardinal, je fis cinq mortelles lieues pour gagner Charolles , ville capitale du Charollois, où nous passâmes saintement la soirée avec de bons pères du tiers ordre de Saint-François, qui dans leur couvent hors de la ville ont fait joliment construire et approprier un appartement pour notre adorable cardinal, toutes les fois qu`il est obligé d’y passer pour se rendre ici. Ils m`en donnèrent aussi un très-propre, et ce fut là qu’après avoir passé

  1. 15. Le cardinal de Bouillon, dit Saint-—Simon, tome V, p. 320, se prétendit sorti par mâle des anciens comtes de la province d’Auvergne, cadets des ducs de Guyenne, et n’omit rien pour trouver à Cluny, qui est de la Fondation de ces princes, de quoi appuyer cette chimère. Le Roi, dit encore Saint-Simon, tome VIII , p. 390, « donna ses ordres (en 1710, après la fuite du cardinal) pour la visite de l'abbaye de Cluny et de tous les monuments d’orgueil qu’en manière de pierre d’attente le cardinal de Bouillon, y entassoit depuis si longtemps, comme descendant des ducs de Guyenne ; suivant la fausseté du Cartulaire de Brioude .... il descendoit masculinement des Fondateurs de Cluny. C’ét0it sa chimère en tout temps.·.. Il avoit·... multiplié à Cluny les actes et les marques de cette fausse descendance, dans les temps de sa faveur et de son autorité." ; il y avoit fait conduire les corps de son père, de sa mère, de plusieurs de ses neveux, et sous prétexte de piété se faisoit de leur sépulture des titres et des monuments de grandeur, avec tout l'art, la hardiesse et la magnificence possible. Le Parlement rendit, le 2 janvier 1711, arrêt portant commission au lieutenant général de Lyon de visiter cette abbaye, et d’y faire entièrement biffer et effacer tout ce qui en quelque façon que ce pût être, en monuments ou en écritures, étoit de cette nature, et cela fut pleinement exécuté. » Voyez cet arrêt à l’Appendice du tome IX de Saint-Simon, p. 449 et suivantes.