Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/517

Cette page n’a pas encore été corrigée

1504. -- DE FLÉCHIER A MADAME DE GRIGNAN. Quoiqu'il y ait déjà quelques mois, Madame, que vous ayez perdu Monsieur votre fils, la perte est si grande, et je sais que votre douleur est encore si vive, qu`ii est toujours temps qu`on y prenne part. Vous pleurez avez raison ce fils estimable par sa personne, plus encore par son mérite ; on peut dire à la fleur de son âge, sorti depuis peu des plus grands dangers de la guerre[1], honoré de l'approbation et des louanges du Roi, et couvert de sa propre gloire. Je me souviens quelquefois des soins que vous avez pris de son éducation, dont j`ai été le témoin, et des espérances que vous fondiez sur les vertus et les sciences que vous vouliez lui faire apprendre, et que vous étiez occupée à lui inspirer. Je sais, Madame, le profit qu`il avoit fait des principes que vous lui aviez donnés[2] pour les mœurs et pour la conduite de la vie ; et je ne doute pas que ce qui faisoit votre satisfaction ne devienne aujourd'hui le sujet de votre douleur. Il seroit inutile après cela de vouloir vous consoler ; ni votre sagesse, ni votre bon esprit même ne peuvent le faire : Dieu seul qui a fait le mal peut le guérir ; et c`est uniquement du fond de votre piété que vous pouvez tirer les véritables consolations. Plus la foiblesse de la nature nous paroît douce et raisonnable, plus il faut faire agir la foi et la religion pour nous soutenir. Vous éprouvez cela, Madame, mieux que je ne puis vous le dire : je me contente de vous témoigner que personne ne compatit plus sincèrement que moi à votre affliction, et ne con-

  1. LETTRE 1504. -- 1. Voyez ci-dessus, p. 510, la fin de la note 2 de la lettre précédente.
  2. 2. Il y a donné, sans accord, dans la première édition (1711). — Cette édition nous a fourni deux bonnes corrections vers la fin de là lettre : « Vous éprouvez, » et « une résidence, » au lieu de « vous éprouverez, » et « ma résidence, qui est le texte de 1818.