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surmonterai l’ennui qui m'empêche d’aller aux autres operas, pour voir celui-là. Je cro1s que Mons1eur de Cambrai serai obligé d'en faire les vers, sil faut que ce soit un bel esprit et un grand archevêque qui les fasse. Mais ce n’est point un archevêque qui a fait l’Ile de Calypso ni Télémaque c’est le précepteur d’un grand prince, qui devoit à son disciple l’instruction nécessaire pour éviter tous les écueils de la vie humaine, dont le plus grand est celui des passions. Il vouloit lui donner de fortes impressions des désordres que cause ce qui paroît le plus agréable, et lui apprendre que le grand remède est la fuite du péril. Voilà de grandes et d’utiles instructions, sans compter toutes celles qui se trouvent dans ce livre, capable de former un honnête homme et un grand prince. Si dans cet opéra qu’on fait on conserve cet esprit et ce caractère, il fera plus de fruit que les sermons du P. Massillon. Vous n’avez pas pris chez lui et chez ses confrères le ridicule que vous voulez donner à Télémaque : les Pères de l’Oratoire savent trop que l’usage est de faire lire les poëtes aux jeunes gens. Les poètes sont pleins d’une peinture terrible des passions : il n’y en a aucune de cette nature dans Télémaque tout y est délicat, pur, modeste, et le remède est toujours prêt et toujours prompt. Les poëtes anciens n`ont pas eu ces précautions, et sont pourtant admis dans les collèges par les docteurs les plus sévères : le Port-Royal a traduit Térence, Plaute,,Pétrone. M. d’Andilly a traduit le 4 et le 6° livre de l’ÉnéÏde[1] ; personne ne l’obligeoit à mettre

  1. 3. Voyez le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, tome llI, p. 432 et suivantes. De Plaute, Port-Royal n’a traduit que les Captifs (1666) ; de Térence, trois comédies (1647), « rendues très-honnêtes, dit le titre, en y changeant fort peu de chose. » Pétrone est évidemment une erreur de Mme de Grignan, ou une fausse lecture du premier éditeur. On pourrait être tenté de lire Phèdre, dont la traduction est