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1501. -- DE MADAME DE COULANGES A MADAME DE GRIGNAN.

A Paris, le 3è mars.

JE me suis acquittée des ordres que vous m`avez don- nés, Madame, et j'ai mille et mille remerciements à vous faire de Mme de Louvois qui m’a paru fort touchée de votre attention à son égard : la pauvre femme a hérité de cinquante-quatre mille livres de rente ; je ne l’en crois pas plus heureuse, et je sais bien que je me sens très-éloignée de l`envier. Nous avons eu la duchesse du Lude quatre jours ici ; cela devient ridicule d'être aussi belle qu’elle l'est ; les années coulent sur elle comme l’eau sur la toile cirée : sa joie est très-grande de l'heureuse grossesse de sa jeune princesse[1]. Le P. Massillon réussit à la cour[2] comme il a réussi à Paris ; mais on sème souvent dans une terre ingrate quand on sème à la cour, c’est-à-dire que les personnes qui sont fort touchées des sermons sont déjà converties, et les autres attendent la grâce, souvent sans impatience ; l’impatience seroit déjà une grande grâce. En vérité, Madame, M. le marquis de Grignan est ce qui s’appelle un homme de bien sans qu'il lui en coûte de dé- plaire au monde ; au contraire, on l'en aime davantage : pour moi, j’avoue que je l`honore au dernier point.

  1. LETTRE 1501. -- 1. La duchesse de Bourgogne mit au monde, le 25 juin I704 le duc de Bretagne, qui mourut, sans avoir été nommé, le 13 avril 1705.
  2. 2. Voyez ci-dessus, p. 457, note 5. Dangeau dit après le sermon de la Chandeleur, que prêche d’ordinaire le prédicateur du carême : «  le Roi après diner entendit le sermon du P. Massillon, qui inséra dans son compliment des choses très-él0quentes et très—chrétiennes sur la tempête qui a séparé la flotte ennemie, et qu’on lui étoit venu apprendre un peu avant qu’il montàt en chaire. » (Samedi 2 février 1704 à Versailles.)