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de prendre son remède ; il crut avoir des indices certains qu`elle avoit un abcès ; il craignit la gangrène ; il lui fait prendre des lavements d`herbes vulnéraires avec de l’eau d’arquebusade ; elle en est à rendre du pus : ainsi on espère qu’elle reviendra de cette maladie ; mais on ne la croit pas encore hors de péril. Son mal est trop grand pour s’en prendre au café ; notre maréchal [1]l'a abandonné pour le chocolat ; je lui ferai assurément voir ce que vous dites de lui : il me paroît fort touché de votre approbation, Madame, et de celle de M. le chevalier de Grignan ; c'est le plus aimable homme du monde ; nous ne passons pas un jour sans le voir : je le trouve seul au bout d’une de nos allées ; il y est sans épée, il ne croit pas en avoir jamais porté ; il voit le Roi tous les quinze jours, et puis revient dans sa solitude avec un goût qui paroît naturel. Vous avez raison, Madame, de me trouver à plaindre quand je retournerai à Paris. J`ai promis à Mme de Louvois d’aller passer quinze jours à Choisy ; mais je vous avoue que j’ai bien de la peine à m`y résoudre. M. et Mme de Simiane me firent hier l'honneur de venir dîner ici avec notre fille d'honneur de la reine Marguerite[2] et Madame votre fille me promit qu’elle reviendroit passer encore, quelques jours. C`est en vérité une jolie femme : on ne peut avoir plus d’esprit, ni un esprit plus aimable que le sien ; une charmante humeur : - il n`est pas possible de se dépêtrer d’elle ; mais c'est bien à moi d’aimer une personne de son âge ! cependant je tomberois infailliblement dans cet inconvénient si je la voyois trop souvent. J’ai bien de l'impatience de vous voir exécuter le projet que vous avez fait de revenir à Paris. Si j’ét0is en commerce avec les fées, vous me

  1. 3. Catinat.
  2. 4. Mlle de Sanzei était fille d’honneur de la princesse de Conti.