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garde comme un homme ruiné sans ressource, d'autant qu`on ne voit point la fin de ses malheurs ; sa petite femme me fait une extrême pitié.

Je crois que vous regrettez présentement l'hiver du mois de juillet ; car voici un été bien chaud ; cependant il ne faut pas s'en plaindre ; je crois ce temps-là bon pour M. le chevalier de Grignan et pour les vignes. J'allai il y a deux jours à Choisy ; j’y laissai M. de Coulanges, qui doit incessamment venir voir votre maison pour y exécuter vos ordres. Mme de Lesdiguières, que je vis hier, ne parle que de la joie que lui donne votre retour, et c’est moi qu'elle choisit pour en parler : elle a en vérité raison, car je ne le désire pas moins vivement qu`elle. Nous allâmes hier Mme de Simiane et moi chercher le maréchal de Catinat ; il étoit déjà reparti : il a passé quelques jours à Paris, où il m'avoit cherchée aussi ; mais on ne se voit point à Paris. Je retourne incessamment dans la maison de Polémon[1], où je serai ravie de le trouver : un héros chrétien est bien plus à mon usage maintenant qu'un héros romanesque. La maison que je vais habiter m'a vue dans ces deux goûts ; car en vérité, je n’y étois soutenue dans ma jeunesse que par des idées très-romanesques : ce temps-là est bien éloigné ; les pensées solides sont assurément plus raisonnables, et c`est par là qu’elles sont assez tristes. Au reste, Madame, le bel air de la cour est d`aller à la jolie maison que le Roi a donnée à la comtesse de Gramont dans le parc de Versailles[2] Le comte dit que cela le jette dans

    vait chaque jour les noms des prisonniers qui entraient à la Bastille ou qui en sortaient. (Note de l'édition de 1818.)

  1. 3. A Ormesson : voyez ci—dessus, p. 495 et note 15.
  2. 4. Le Roi, après la mort de Félix de Tassy, son premier chirurgien, donna la jouissance de la maison des Moulineaux à la comtesse de Gramont. (Journal de Dangeau, au 29 mai 1703.) C’est le lieu.