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des personnes qui la connoissent. Mais, Madame , je m`amuse à vous parler des maréchaux de France employès, et je ne vous dis rien de celui dont le loisir et la sagesse sont au-dessus de tout ce que l`on en peut dire[1] : il me paroît avoir bien de l'esprit, une modestie charmante ; il ne me parle jamais de lui, et c`est par là qu'il me fait souvenir du maréchal de Choiseul : tout cela me fait trouver bien partagée à Ormesson ; c`est un parfait philosophe et philosophe chrétien ; enfin, si j'avois eu un voisin à choisir, ne pouvant m`approcher de Grignan, j'aurois choisi celui-là ; il vous honore beaucoup, et nous parlons souvent de vous et de M. de Grignan ; il ne lui arrive point aussi d'oublier Monsieur le chevalier. Madame votre belle-sœur est établie au faubourg Saint-Jacques, et Monsieur votre frère ira y descendre en arrivant de Bretagne. Je suis persuadée qu’il va être le compagnon du P. Massillon[2]; c'est son premier métier que celui d`être dévot. Les dèvots sont en vérité plus heureux que les autres ; je les envie, et je voudrois bien les imiter. Une des premières visites que je ferai sera celle d'aller dans la maison de ma grand’mère ; car c'est la même qu'occupe Madame votre belle-œur. L’esprit de Gourville étoit plus solide et plus aimable qu`il n'avoit jamais été ; il étoit revenu d`une manière qui a fait sentir bien vivement le regret de le perdre. Ses Mémoires sont charmants : ce sont deux assez gros manuscrits de toutes les affaires de notre temps, qui sont écrits, non pas avec la dernière politesse, mais avec un naturel admirable ; vous voyez Gourville pendu en effigie et gouverner le monde ; tout ce qui m'en a déplu, car je les ai entièrement lus, c'est un portrait, ou plutôt un

  1. 4. Catinat.
  2. 5. Massillon dirigeait alors le séminaire de Saint-Magloire. Voyez la Notice, p. 304.