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campagne, et il est vis-à-vis de la porte ou habitera M. de Sévigné. Je suis en peine de ce dernier ; sans sa docilité, ce seroit un homme perdu, mais aussi sans sa docilité n'iroit-il point habiter le faubourg Saint-Jacques[1]. Pardonnez, Madame, la longueur de cette lettre en faveur de la joie que j`ai de vous entretenir, et croyez, s'il vous plaît, qu’on ne peut être plus sensible que je le suis aux bontés dont vous m'honorez. Ne laissez plus aller M. le chevalier de Grignan dans sa solitude , et entretenez Monsieur le Comte dans l’envie qu'il a de venir faire sa cour. Je ne crois personne plus propre que lui à convertir les huguenots ; il a bien de la douceur, bien de la raison, et n`est point du tout hérétique : voilà de grands talents pour Orange, mais il en a aussi pour le monde, qui le font bien désirer ici. Ne savez-vous pas , Madame , que M. le maréchal de Villeroi a été voir Mme la comtesse de Soissons à Bruxelles ? il lui a mené son fils ; et Mme la comtesse de Soissons avoue qu`il y a longtemps qu'elle n a eu une aussi grande Joie. J'ai lu le Traite de l'amitié[2], qui m'a paru rempli d`esprit ; mais je ne l`aime

  1. 10. Voyez la Notice, p. 304.
  2. 11. Par Louis de Saci, le traducteur de Pline le Jeune, qui en février 1701 avait remplacé Rose (voyez ci-après, p. 549, note 3) à l`Académie française, et mourut à soixante-treize ans, au mois d’octobre 1717. Ce traité publié en 1701, d’après Moréri, fut réimprimé à la Haye en 1703 et eut une troisième édition à Paris, en 1704. Nous en avons sous les yeux une édition datée de Paris, 1703, et qui doit être la première avouée de l’auteur : l’Approbation donnée par Fontenelle au manuscrit est du 29 novembre 1702, et le privilège du 7 décembre. La question de savoir s’il est permis de violer son serment pour sauver la vie à son ami, est posée au livre II, p. 138 ; la discussion paraît terminée p. 161 ; la conclusion de l'auteur, donnée immédiatement après l’histoire de Régulus, et corroborée ensuite par une comparaison du secret reçu, même sans serment, avec le dépôt, est celle~ci (p. 156 et I57) : « Il est donc vrai qu’en aucun cas il n’est permis de violer son serment, ou de manquer à Dieu pour un ami. C’est ce qu’avoit parfaitement compris cet ancien (Périclès) qui disoit