Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1691 de Gênes et enfin tout ce qu’a fait ce duc, vrai fils d’Apollon et des Muses. Vous me demandez si je ne garde pas toutes ses œuvres : vraiment oui, je n’en ai perdu aucune ; elles ont fait notre divertissement, et tout celui des personnes qui passent ici et qui en sont dignes. Cette dernière épître est d’une force, que Pauline n’y entendoit presque rien ; mais nous avons eu le plaisir de nous trouver capables de lui expliquer ce qu’elle n’entendoit pas. Pour la description du dîner, elle est à la portée de tous les bons convives, et l’eau en est venue à la bouche de M. de Grignan, du chevalier de Saint-André[1], de mon fils, et de nous aussi ; car je n’ai jamais vu un si bon repas ; je viens de le mettre parmi les autres merveilles de ce duc. Pour finir l’article des lettres, quand vous aurez reçu celle du 23e juin et celle-ci, vous les aurez toutes.

Venons maintenant à la vôtre dont le commencement m’a pensé faire pleurer ; et le moyen de se représenter que vous êtes au lit, affligé de toutes les parties et les jointures de votre petit corps, que vos nerfs sont affligés, que vous ne remuez ni pied ni patte ? c’est pour nous faire mourir : mais voir aussi qu’il sort de tout cela un couplet de chanson sur ce triste état[2] accompagné d’un autre couplet le plus plaisant et le plus joli du monde, et sur une chose que vous voyez tous les jours, mon pauvre cousin, vous jugez bien que cela nous soutient le cœur, et nous fait voir que le principe de la vie n’est point

  1. 2. Nous supposons que ce chevalier de Saint·André est un gentilhomme du Dauphiné dont Dangeau parle plusieurs fois, qui eut en 1693 un régiment dont sa mauvaise santé l’obligea de se défaire en 1698. Il était parent du premier président de Grenoble, Nicolas de Prunier, seigneur de Saint-André, marquis de Virieu, mort en 1692.
  2. 3. Peut-être le couplet inséré dans les Mémoires, p. 247, et auquel l’abbé de Polignac répondit spirituellement en italien.