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et je prends un véritable intérêt à tout ce qui vous regarde. Je suis ravie, Madame, que vous approuviez les dernières connoissances que j`ai faites, car je n’ose encore traiter d`amis des personnes avec qui j’ai eu aussi peu de commerce ; j’ai bien de quoi m`annoncer auprès de'ux par leur conter comme vous parlez de leur mérite : c'est par là que je suis bien sûre de leur plaire ; ils m`ont déjà confié ce qu’ils pensoient de vous et de tout ce qui s’appelle Grignan. M. de Marsin est malade ; il attend le retour de sa santé pour aller où son devoir l'appelle. Le maréchal[1] est dans sa campagne[2], plus philosophe qu'on ne peut vous le dire ; il a raison de se plaindre que je le fais trop attendre : nous n'avons plus de temps à perdre tous deux ; mais aussi nous sommes trop avancés pour que le temps nous puisse faire tort ni à l’un ni à l’antre. Ma sœur doit partir pour Bruxelles le lendemain des fêtes [3]et voilà ce qui m'a empêchée jusqu`à présent de m’aller établir à Ormesson , où je compte passer une partie de l'été ; mais je serai bien honteuse, si j’y reçois jamais M .de Grignan, de ne lui présenter qu'un grand bois, lui qui est accoutumée, comme vous dites, Madame, aux délices de Capoue : il n’importe, je desire très-vivement d’avoir cette honte ; car si je ne lui présente point les objets charmants dont il jouit à Mazargues , et les belles eaux que je crois qui surpassent en beauté celles de Versailles, je lui présenterai une antique personne très-touchée des charmes de la solitude , et qui sans avoir aucune aigreur contre le monde, en est fort dégoûtée. J'espère que par ses conversations, il me tiendra- moins de rigueur, et qu’il me pardonnera mes bois très-dénués de vue. Pour vous, Madame, j’ose dire que

  1. LETTRE 1494. -- 1. Le maréchal de Catinat.
  2. 2. A Saint—Gratien, dans la vallée de Montmorency.
  3. 3. De la Pentecôte sans doute, qui tombait au 27 mai.