Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/485

Cette page n’a pas encore été corrigée

tous les hommes sont habillés en matelots, et les femmes en paysannes ; la gaiete suit nécessairement la santé et l'abondance , de sorte que les jours de repos, après avoir prié Dieu dans l`innocence de leurs cœurs, ils dansent si parfaitement qu’aucun bal ne sauroit faire tant de plaisir à voir. Ne croyez pas, Madame, que j'aie dessein d`insulter à vos bergers et bergères d`Ormesson par une description du siècle d'or : je ne veux que donner de l'èmulation à M. de Coulanges, et l'engager à me représenter par quelque jolie chanson son hameau et ceux qui l'habitent. Je vous rends grâces du plaisir que vous voulez bien me donner de croire que vous me souhaitez autant que Mme de Lesdiguières.`Je vous assure que je profiterai jusques à l'indiscrétion du plaisir d' être avec vous, quand je serai à Paris : je ne sais pas précisément le temps. Chambon est charmé de vos bontés, et très-reconnoissant : vous lui avez obtenu un peu de liberté ; il m’a écrit une lettre pleine de sentiments que l`on trouve apparemment dans les cachots de la Bastille[1]et

  1. 11. Chambon (voyez ci-dessus, p. 460, note 1) avait été conduit à la Bastille le 26 septembre 1702, à trois heures après midi, ainsi qu’on le voit dans le Journal manuscrit de du Junca. On l'accusoit, dit cet officier, de quelque commerce et intelligence avec le prince napolitain prisonnier à Vincennes. » Il paraît qu’il avait eu l'imprudence de remettre au prince de la Riccia une orange qui renfermait un plan d'évasion. (Voyez l'Histoire de la Bastille par Constantin de Renneville, tome II[, p. 359, édition de l724.) On intercepta aussi plusieurs lettres dans lesquelles (Chambon indiquait au prince de la Riccia les moyens de correspondre avec l’Italie. (Lettre manuscrite de Torci à Saint-Mars, du 25 septembre 1702.) La découverte de ces intelligences priva le prince des adoucissements qu'il avait trouvés jusque-là dans la société de la maréchale de Bellefonds. Du Junca dit dans son Journal que le 26 septembre 1702 à sept heures du soir, en vertu des ordres de Torci, il se rendit à Vincennes pour transférer le prince de la Riccia au château de la Bastille, où il devait être bien renfermé. C'est là que pendant onze ans il souffrit toutes les horreurs d’une captivité rigoureuse ; il n'obtint sa liberté que le 18 octobre I713,