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des honneurs singuliers, qui se mettent parmi les titres des maisons ; et voilà les sortes de grâces qui viennent jusqu’a nous. Rien n’est pareil à M. de Marsin(4), et à;l'admiration qu'il a laissée en ce pays. On ne sauroit faire,une figure plus agréable auprès du roi catholique que celle qu’il y faisoit. Sa vivacité et son bon esprit le rendoient maître de tout auprès de Sa Majesté ; et sa politesse et son attention à faire plaisir, le rendoient maître encore de tous les cœurs. La magnanimité de refuser la grandesse ne nous paroît pas aussi récompensée qu’elle mérite : je croyois que nous le verrions du nombre des maréchaux (5). Comment gouvernez-vous le maréchal de Villars (6)? Vous n’auriez pas mal marié Madame votre nièce (7), si vous en aviez été la maîtresse : le commande-

4. Ferdinand, comte de Marsin et du saint-empire, marquis de Clermont d`Entragues, etc., né en 1656, était originaire des Pays-Bas, où son père avait été capitaine général. Il devint maréchal de camp en 1693, lieutenant général et ambassadeur extraordinaire en Espagne en 1701, chevalier des ordres du Roi en I703, gouverneur d’Aire, de Valenciennes, maréchal de France en 1704, et fut tué le 7 septembre 1706 dans un combat livré près de Turin. Il n’avait pas été marié. (C'étoit, dit Saint-Simon (tome V, p. 242 et 243), un extrêmement petit homme, grand parleur, plus grand courtisan, ou plutôt grand valet, tout occupé de sa fortune, sans toutefois être malhonnête homme, devôt à la flamande, plutôt bas et complimenteur à l’excès que poli, cultivant avec un soin qui l’absorboit tous ceux qui pouvoient le servir ou lui nuire, esprit futile, léger, de peu de fond, de peu de jugement, de peu de capacité, dont tout l'art et le mérite alloit à plaire. Sur son refus de la grandesse, voyez encore Saint-Simon, tome III, p. 434.

5. Le Roi avoit fait une promotion de dix maréchaux de France le 14 janvier 1703, et le comte de Marsin ne fut élevé à cette dignité qu’en 1704, lorqu’il fut choisi pour aller commander l’armée de France en Souabe, sous les ordres de l’électeur de Bavière.(Note de l'éditîon de 1751.)

6. Maréchal, seul de sa promotion, le 21 octobre précédent :voyez le Journal de Dangeau, à cette date.

7. Michelle-Gabrielle du Gué Bagnols, comtesse de Tillières. (Note