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quelqu`un qui n'est plus jeune, ne laisse rien imaginer d'agréable[1]. J'ai déjà tant vécu, qu'il me paroit peu possible d'envisager un long avenir : ainsi ce peu qui me reste, j'aimerois à le passer dans le repos. Je n'ai jamais eu de goût pour les personnages qui n'étaient point les jeunes dans les comédies ; cela m'est demeuré pour le théâtre du monde : ma paresse naturelle, une foible santé sans doute, me donnent de telles pensées, qui s`accommodent si bien avec ma médiocre fortune, que je n'en puis assez remercier Dieu. J’ai trop aimé le monde mais il me semble que je n’ai pas perdu le temps que j'ai passé à m'en détromper ; car il est certain que Je préfère la vieillesse aux belles années, par la grande tranquillité dont_elle me laisse jouir. Mais je veux répondre à vos questions, Madame. Le voyage que Mme de Louvois devoit faire en Bourgogne est rompu ; elle est à Choisy pour toute l'automne ; Mr de Coulanges y est avec elle, et je compte y aller dans sept ou huit jours : comme je n'ai point encore de maison de campagne, je prends patience à Paris. Si je vis jusqu’à l'année qui vient j'aurai Ormesson, qui n'est plus reconnoissable que par le bois : la maison est aussi blanche qu`elle étoit noire ; les fenêtres sont coupées jusques en bas ; enfin il y aura pour se coucher, pour se promener et grâce à Dieu Je n'en désire pas davantage. Pardonnez-moi : je désire passionnément de vous y recevoir ; les cabarets plaisent quelquefois, quand on est accoutumé aux délices des grands palais. Oui, Madame, M. de Coulanges ira voir M. le cardinal de Bouillon[2], lequel, à ce que j`apprends, est bien plus heureux qu’il n’a jamais été. Je suis tout à fait sensible au malheur. qui vient d`arriver à Mme de

  1. 4· Mme de Bracciane avait cinquante-neuf ans.
  2. 5. Voyez ci-après, p. 515 et 526, les lettres où Coulanges rend compte de son voyage à Paray-le-Monial.