1488. -- DE MADAME DE COULANGES A MADAME DE GRIGNAN.
` ` A Paris, le 17è juin.
Je vous rends mille grâces, Madame, de l'attention que vous avez eue à la subite et violente maladie dont par les soins de Chambon[1] j'ai été délivrée en vingt-quatre heures : je suis ravie de vous devoir ce médecin, car j`aime fort à être obligée aux personnes pour qui j'ai un sincère attachement ; j'espère vivre et mourir de sa façon. Vous aurez été fâchée et surprise de la mort de Monsieur[2], j’en suis assurée. La dernière fois que j eus l'honneur de le voir, il me demanda tant de vos nouvelles, que je lui fis très-bien ma cour par être en état de lui répondre sur ce qui vous regardoit. En vérité la
mort est un événement trop ordinaire pour pouvoir
compter sur cette vie ; pour moi, j’avoue que je ris quand
je vois traiter solidement quelque chose d’aussi court et
d`aussi fragile : c'est ma raison qui a cette conduite car
si c’éto1t le sentiment, eh mon Dieu ! on ne ferait rien
de tout ce que l’on fait et on feroit tout ce que l'on ne
fait point. On vous aura sans doute mandé, Madame,
que le Roi conserve à M. le duc d`Orléans tous les honneurs
et privilèges de Monsieur : des gardes, tous les
grands officiers, et même un chancelier. Le Roi est très-véritablement
affligé. Toutes les femmes ont paru en
mante devant Sa Majesté, et les cours souveraines vont
lundi la haranguer. Les personnes dont la mort devroit
- ↑ LETTRE` 1488. -- 1. Chambon, né à Grignan en 1647. Il étudia à Aix, y reçut le bonnet de docteur, et devint médecin du roi de Pologne Jean Sobieski. De retour en France, il fut agrégé à la Faculté de médecine de Paris, grâce à Fagon. Il vivait encore en 1732 . _
- ↑ 2. Philippe, fils de France, frère unique de Louis XIV, mort à Saint-Cloud le 9 de juin 1701 (d’une attague d'apoplexie ; il était âgé de soixante ans et huit mois. (Note de l'édition de 1751.)