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de vous redire ses paroles ; elles ne viennent pas jusques aux mortelles comme moi. Ma belle-fille a fort réussi : vous connoissez son air sage et noble, son air assuré et modeste, ne s'embarrassant d'aucune nouveauté ; elle a paru dans ce caractère, et en a été fort louée. Vous voudriez bien que je vous disse comme j`ai trouvé Madame la Duchesse[2],j’y consens volontiers ; mais il vous en coûtera d'apprendre comme est redevenue ma princesse[3] La vôtre a le plus joli, le plus brillant, le plus aimable petit minois que j’aie jamais vu ; un esprit fin, amusant, badin au dernier point. Rien n'est plus plaisant que d`assister à sa toilette, et de la voir se coiffer ; j`y fus l’autre jour : elle s’éveilla à midi et demi, prit sa robe de chambre, vint se coiffer et manger un pain au pot; elle se frise et se poudre elle—même, elle mange en même temps ; les mêmes doigts tiennent alternativement la houppe et le pain au pot ; elle mange sa poudre et graisse ses cheveux ; le tout ensemble fait un fort bon dejeuné et une

  1. plantés, des yeux les plus parlants et les plus beaux du monde ; peu de dents et toutes pourries , dont elle parloit et se moquoit la première ; le plus beau teint et la plus belle peau ; peu de gorge, mais admirable ; le cou long avec un soupçon de goître qui ne lui seyoit point mal ; un port de tête galant, gracieux, majestueux, et le regard de même ; le sourire le plus expressif` ; une taille longue, ronde, menue, aisée, parfaitement coupée ; une marche de déesse sur les nuées. Elle plaisoit au dernier point ; les grâces naissoient d’elles-mêmes de tous ses pas, de toutes ses manières et de ses discours les plus communs ; un air simple et naturel toujours, naïf assez souvent, mais assaisonné d’esprit, charmoit, avec cette aisance qui étoit en elle, jusqu’à la communiquer à tout ce qui l'approchoit ; elle vouloit plaire, même aux personnes les plus inutiles et les plus médiocres, sans qu’e1le parût le rechercher…..; Sa gaieté jeune, vive, active, animoit tout, et sa légèreté de nymphe la portoit partout, comme un tourbillon qui remplit plusieurs lieux à la fois, et qui y donne le mouvement et la vie. »
  2. 3. La duchesse de Bourbon. Voyez tome VII, p. 438, note 31.
  3. 4. La princesse douairière de Conti. Voyez la note suivante.