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point signé. Ma mère vous prie tous deux de tenir compte à Pauline d`une somme de neuf` mille francs, que feu mon oncle l'abbé lui a laissée : elle dit que ce payement vous sera insensible, et même au marquis de Grignan, et finit en disant qu`il y a eu sur cela quelque changement dans les volontés de mon oncle l`abbè, nmais qu`il est toujours temps de faire du bien. J'ai laissé ce billet entre les mains de M. Rochon, dont vous et moi ne saurions trop reconnoître l'amitié et le zèle pour tous nos intérêts communs.

Ma mère m`a toujours fait un secret sur ce qui s'étoit passé entre vous depuis l'accommodement qu`elle eut la bonté de faire en faveur de mon mariage. Je n`ai jamais été bien connu d`elle sur ce sujet : elle m'a quelquefois soupçonné d`intérêt et de jalousie contre vous pour toutes les marques d`amitiè qu`elle vous a données. J`ai présentement le plaisir de donner des preuves authentiques des véritables sentiments de mon cœur. Monsieur le lieutenant civil a été témoin des premiers mouvements, qui sont toujours les plus naturels. Je suis très-content de ce que ma mère a fait pour moi pendant que j'étois dans la gendarmerie et à la cour ; j`ai encore devant les yeux tout ce qu`elle a fait pour mon mariage, auquel je dois tout le bonheur de ma vie ; je vois toutes les obligations longues et solides que nous lui avons : ce sont la les mêmes paroles dont vous vous servez dans votre lettre ; tout le reste ne m’a jamais donné la moindre émotion. Quand il seroit vrai qu`il y auroit eu dans son cœur quelque chose de plus tendre pour vous que pour moi, croyez-vous, en bonne foi, ma très-chère sœur, que je puisse trouver mauvais qu`on vous trouve plus aimable que moi ? et ma fortune, soit faute de bonheur, soit faute de mérite, s`est-elle tournée de manière à bien encourager à me faire des biens de surérogation ? Jouissez tran-