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1468. -- DE MADAME DE GRIGNAN

A LA COMTESSE DE GUITAUT[1]

Ce 13 août.

JE sais, Madame, l'estime et l’amitié réciproque qui étoit depuis longtemps entre vous et la personne que je pleure ; je sais aussi qu'un cœur comme le vôtre connoît le prix d'une amie d'un rare mérite, et qu`une perte si irréparable est digne de ses larmes et de ses regrets. Ainsi, Madame, je sens toute la part que vous avez dans mon malheur par toutes ces circonstances, et je sens aussi avec beaucoup de reconnoissance l'intérêt que vous avez la bonté d'y prendre par rapport à ma vive douleur. Vous êtes si instruite de toutes les raisons qui la rendent juste et ineffaçable, vous savez si bien tous les différents caractères, toutes les différentes perfections qui me rendoient précieuse et chère cette personne incomparable, que vous devez comprendre et approuver la mortelle affliction que je sens d`une si cruelle privation. Quel besoin n'aurois-je pas, Madame, d'un courage et d'une vertu comme la vôtre pour soutenir un si grand mal et pour en faire un usage utile ! C’est ce qui ne m’est pas donné, je suis livrée à la misère d’une grande foiblesse. Je vous rends mille très-humbles grâces de me donner tout le secours qui vous est possible, par les marques de l'honneur de votre amitié ; je vous en demande la continuation, et de me croire, plus que personne, votre très-humble et très-obéissante servante, La comtesse de GRIGNAN

  1. LETTRE 1468. — 1. Cette lettre a été revue sur l’autographe.