Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/391

Cette page n’a pas encore été corrigée

1453. -- DE COULANGES A MADAME DE SIMIANE


A Paris, le 25è avril.

Bien loin de trouver mauvais, Madame, que vous ne m'ayez point écrit de votre main, je suis fort surpris que seulement vous ayez songé à moi dans une occasion aussi cruelle et aussi funeste que celle où nous nous trouvons[1]. Je n'ai point douté de votre sensibilité sur la perte que nous avons faite, et j`ai bien compris ce qu`il en coûteroit à votre bon naturel. Mon Dieu ! Madame, quel coup pour tous tant que nous sommes ! quant à moi, je me perds dans la pensée que je ne verrai plus cette pauvre cousine, à qui j'ai été si tendrement attaché depuis que je suis au monde, et qui m'avoit rendu cet attachement par une si tendre et si constante amitié. Si vous voyiez, Madame, tout ce qui se passe ici, vous connoîtriez encore plus le mérite de Madame votre grand'mère ; car jamais il n`y en eut de plus reconnu que le sien, et le publie lui rend, avec des regrets infinis, tout l'honneur qui lui est dû. Mme de Coulanges est dans une désolation qu`on ne peut vous exprimer, et si grande, que je crains qu`elle n'en tombe bien malade. Depuis le jour qu`on nous annonça la cruelle maladie, qui à la fin nous l`a enlevée, nous avons perdu toute sorte de repos. Mme la duhesse de Chaulnes s'en meurt ; la pauvre Mme de la Troche .... Enfin nous nous rassemblons pour pleurer, et pour regretter ce que nous avons perdu. et parmi nos douleurs, l'inquiétude où nous sommes

  1. LETTRE 1453. -- 1. Mme de Sévigné était morte de la petite vérole le mardi saint 17 avril précédent. Le Journal de Dangeau dit au 26 avril : « J'appris la mort de Mme de Sévigné, qui étoit à Grignan avec Madame sa fille, et sa fille elle-même est fort malade, et on lui cache la mort de sa mère. -- Voyez la Notice, p. 300 et suivantes.