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core mercredi ; et puis vendredi, sans dire mot, il partira pour le Canada[1] ; s’il ne partoit à petit bruit, cela causeroit une sédition, tant il a la voix et l’approbation du peuple ; l’église des Jésuites étoit trop petite pour le monde infini qui se trouvoit à ses sermons.

Je viens de dîner à l’hôtel de Chaulnes, où étoit le marquis de Grignan ; il vous pourra dire que je n’y ai pas été d’une trop méchante humeur. C’est le maréchal de Villeroi qui annonça hier à Mme de Saint-Géran la mort de son mari, et c’est le duc qui s’est chargé du soin de le faire enterrer ce soir ; il sera apparemment créancier privilégié sur la succession, car je ne doute point qu’il n’avance les frais nécessaires pour cette cérémonie. Je ne sais plus rien, Madame ; ainsi je finis, et vous dis adieu jusques à mon retour de Saint-Martin, qui sera quand il plaira à Dieu. Mme de Coulanges n’a plus de colique : elle dit seulement qu’elle a quelquefois encore de la colicaille, qui ne l’empêche ni de boire, ni de manger, ni de s’accommoder des jeunes gens ; elle a beaucoup de goût pour le chevalier de Bouillon et pour le comte d’Albret, et elle a été ravie de retrouver M. de Marsan, avec qui elle est en commerce de tabac. L’hiver est arrivé depuis deux jours ; il a gelé et neigé de telle sorte, qu’il ne faut plus compter sur les abricots ; je crains bien aussi que les pêches n’en souffrent. Mme de Frontenac a de la fièvre et un furieux rhume ; cela fait peur par la mode qui court. Notre pauvre l’Enclos a aussi une petite fièvre lente, avec un petit redoublement les soirs, et un mal de gorge qui inquiète ses amis ; enfin je crains bien que toutes ces morts n’aient de la suite.


  1. 9. Voyez ci-dessus, p. 369 et 370, la note 14 de la lettre du 27 février précédent