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m’en aller à Versailles, pour me rendre à mon devoir auprès de Mme de Saint-Géran, qui apparemment se consolera de sa perte, et qui ne souffrira peut-être même pas de se voir privée pour quelque temps de jouer jour et nuit au lansquenet, comme elle s’y est adonnée depuis quelques années. Notre amie a toujours vécu au jour le jour, sans jamais songer à l’avenir, Dieu veuille qu’elle s’en trouve bien jusques au bout ! je ne crois pas que Mlle de Saint-Géran, sa fille, soit jamais une grande héritière[1].

Je ne sais comme vont les affaires d Angleterre ; il n’y a que la comtesse de Fiesque qui en ait bonne opinion, assurant toujours qu’elles iront bien. J’ai fait trois repas chez les Marsans, dont je me trouve à merveilles ; je m’en vais bien mettre leur maison dans ma hotte[2]. M. de Marsan fait toujours souvenir sa femme qu’elle n’est plus Mme de Seignelai, et que n’étant que Mme de Marsan[3], il faut bien qu’elle s’accommode de tous ses amis, de quelque taille et de quelque rang qu’ils soient, et qu’elle vive avec les vivants. Je dois aller samedi à Saint-Martin ; et en attendant, j’irai demain à Versailles, pour consoler mon amie, et pour vivre avec Mmes de Villeroi et Mlle de Bouillon, que j’y trouverai. Mme de Guise a ordonné qu’on l’enterrât sans cérémonie, et a préféré la sépulture des carmélites du grand couvent[4] à tout le faste de celle de Saint-Denis avec les rois, ses aïeux : elle n’avoit que quarante-neuf ans. Le P. de la Ferté prêchera en-

  1. 5. Saint-Géran ne laissa qu’une fille, qui se fit religieuse
  2. 6. Voyez la fin de la lettre suivante, p. 382.
  3. 7. Ironie : M. de Marsan était prince de la maison de Lorraine, le plus jeune frère du comte d’Armagnac. (Note de l’édition de 1818.)
  4. 8. Elle y fut conduite sans cérémonie le 19 mars 1696. Le Roi avait déjà nommé les dames qui devaient garder son corps, comme on avait fait pour Mademoiselle de Montpensier, en 1693, mais on suivit ses pieuses intentions. Voyez les détails que donne à ce sujet le Journal de Dangeau, au 18 mars 1696.