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réchale de Créquy aura trouvé un courrier sur son chemin, qui l’aura empêchée d’aller à Tournai. Le pauvre Blanchefort y est mort à vingt-sept ans[1], avec un courage non pareil ; c’est une grande perte pour sa maison, mais particulièrement pour sa mère, qui mourra de douleur, si tant est qu’on en meure ; et Mme du Plessis Bellière[2] mourra de la mort de sa fille.

Mais qui mourut hier bien subitement ? ce fut M. de Saint-Géran[3] ; il s’étoit confessé mercredi, dans l’intention d’achever hier son jubilé ; il jeûna vendredi et samedi à cet effet ; et hier matin, sans mal ni douleur, il s’en alla a Saint-Paul, sa paroisse ; comme il étoit dans le confessionnal, il tomba tout d’un coup ; on courut à lui, on lui fit tous les remèdes qu’on lui put faire dans l’église ; mais la connoissance ne lui étant point revenue, il fut porté chez un apothicaire vis-à-vis la grande porte de Saint-Paul, et il mourut en y arrivant. Aussitôt que j’en fus averti, j’allai chez lui, où je le trouvai mort ; il sera enterré ce soir à Saint-Paul, et demain je compte

  1. 2. Le 16 mars. Voyez le Mercure de ce mois, p. 268.
  2. 3. Elle mourut le 25 mars 1705, âgée de près de cent ans : voyez tome III, p. 44, note 7. « C’étoit, dit Saint-Simon (Journal de Dangeau, tome X, p. 287), une des femmes de France qui, avec de l’esprit et de l’agrément, avoit le plus de tête, le courage le plus mâle, le secret le plus profond, la fidélité la plus complète et l’amitié la plus persévérante. C’étoit le cœur et l’âme de M. Foucquet, à qui le chevalier de Créquy s’étoit attaché et dont Foucquet fit le mariage avec la fille de cette femme, lequel devint depuis maréchal de France. Mme du Plessis souffrit la prison la plus rigoureuse, les menaces les plus effrayantes, et enfin l’exil le plus fâcheux, à l’occasion de la chute de M. Foucquet, et acquit une estime, même de leurs communs persécuteurs, qui se tourna en considération, sans avoir cessé d’être jusqu’à la fin de leur vie la plus ardente et la plus persévérante amie de Foucquet, à travers les rochers de Pignerol, et cela publiquement, et de leurs communs amis. » — Sa fille, la maréchale de Créquy, mourut, d’après Moréri, le 5 avril 1713
  3. 4. Voyez tome II, p. 71, note 12, et tome III, p. 408 et note 3