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que si jamais vous revenez dans ce pays-ci, comme je le veux espérer, nous vous ferons voir Saint-Martin dans toute son étendue, et avec toutes ses beautés vraiment sans pareilles. Mais que pensez-vous, Mesdames, qui amenoit si matin cet aimable cardinal chez moi ? hélas ! c’étoit pour me proposer de le suivre, et d’aller me mortifier avec lui dans ce charmant séjour ; mais en vue de faire mon jubilé, qui n’aura sa perfection que samedi matin, il m’a fallu résister courageusement à cette proposition : en sorte que me voici dans le jeûne, la cendre et le cilice, jusques à samedi après dîner, qu’une petite chaise me viendra enlever pour me mener rapidement à Pontoise, où j’espère passer quelque temps, et vous y desirer sans fin et sans cesse. Cependant, au milieu de ma cendre et de mon cilice, il faut que je trouve le moyen de jeûner aujourd’hui très-austèrement, en soupant ce soir chez Penautier[1], où je ne puis ni ne veux manquer, d’autant plus que M. et Mme de Marsan sont de ce souper, et que je serai ravi de boire et de renouveler connoissance avec eux. La duchesse du Lude, et tous les Lamoignons en sont encore : ainsi quel moyen que je m’en puisse dispenser ? je m’en rapporte à vous-même, ma très-aimable gouvernante.

Au reste, notre hôtel de Chaulnes brille en carême comme il a brillé tous les jours gras : on y vit assurément à la grande. Le bon duc va toujours pesamment son chemin ; mais il faut espérer que Vichy, s’il fait tant que d’y aller, dégagera sa valise, qui est assurément trop pleine, aussi bien que la mienne ; mais comme je suis plus jeune que lui, et que je fais plus d’exercice, j’en suis moins embarrassé. Comme il y aura longtemps que nous ne nous serons vus, quand vous arriverez ici, Mesdames,

  1. 2. Voyez tome IV, p. 497, note 5.