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bret et moi, et où beaucoup d’autres gens considérables se rendirent, après le dîner, pour le spectacle ; le chevalier de Bouillon entre autres, qu’on présenta et qu’on fit baiser à votre amie Mme de Coulanges, comme un homme fort extraordinaire[1] Je m’en vais de ce pas dîner à Montmartre où M. et Mme de Nevers, plus belle et plus aimable que jamais, m’ont donné rendez-vous. Je crois que je n’aurai pas beaucoup de faim quand j’en reviendrai. Il ne faut pas cependant que je manque ce soir à M. de Lamoignon, en dussé-je crever. N’allez point conter ma vie à M. le chevalier de Grignan ; car ma vie offense tellement tous les goutteux, qu’il n’y a malheur qu’ils ne me souhaitent. Dernièrement M. de Saint-Géran fut si offensé de me voir insolemment taper du pied dans le temps qu’il ne pouvoit se remuer, qu’il

    être celles des Grecs, et son esprit pour ne leur ressembler en aucune sorte. La bêtise déceloit sa mauvaise conduite, son ignorance parfaite, sa dissipation, son ambition, et ne présentait pour la soutenir qu’une vanité basse, puante, continuelle, qui lui attiroit le mépris autant que ses mœurs, qui éloignoit de lui tout le monde, et qui le jetoit dans des panneaux et des ridicules continuels. »

  1. 7. Frédéric-Jules de la Tour, frère puîné du duc d’Albret, chevalier de Malte, prit plus tard, sans doute après la mort de son cousin Francois—Égon (tome VIII, p. 316, note 3), le titre de prince d’Auvergne. Voyez sur lui et sur son mariage (1720) avec Mlle de Trent, Anglaise, les Mémoires de Saint-Simon, tome XVII, p. 303 et 304. Ce qui rendait le chevalier de Bouillon si extraordinaire, c’était sans doute le souvenir de la triste aventure que Dangeau raconte de lui au 5 mars 1695 : « Il est arrivé un malheur à M. le chevalier de Bouillon à Avignon. Un traiteur chez qui il mangeoit avec quelques officiers de la marine a été trouvé mort, et l’on prétend que c’est des coups qu’il a reçus de ces Messieurs, qui l’avoient mis tout nu avant que de le frapper. M. de Bouillon en a parlé au Roi, et paroît fort mécontent de la conduite de Monsieur le chevalier son fils. On dit même qu’il demande au Roi qu’on le mène au château d’lf, pour tâcher de le corriger par cette punition-là. » — On peut lire les révoltants détails de cette affaire dans les Lettres historiques et galantes de Madame du Noyer, 1739, in-12, tome I, p. 31 et 36.