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dangereuse et que Mme de Louvois fut beaucoup mieux hier sur le minuit, je n’en serai pas moins arrêté ici pendant quelques jours. Je fus hier très-fâché d’étre obligé de quitter Saint-Martin, d’autant plus que samedi après dîner, le duc et la duchesse d’Albret, joliment et en bon ménage, y étoient venus surprendre le Cardinal contre ses ordres, car il ne vouloit point que la duchesse vît Saint-Martin avant le printemps : c’est un goût de maître de maison que vous comprenez fort bien ; mais il ne fut pas fâché pourtant de cette surprise, qui l’avoit fait résoudre de rester encore deux jours à Saint-Martin, pour leur expliquer au moins tout ce qui pareroit sa maison et ses jardins dans la belle saison, et j’étois fort nécessaire pour le seconder. Le jeune ménage avoit été ravi de me trouver, et la journée d’hier étoit destinée pour lier, entre les pots et les pintes, une grande connoissance avec la duchesse, qui est si bien faite, si honnête, si polie, si bien élevée, qu’elle est pour moi une beauté achevée, quoiqu’elle ne soit rien moins que belle, et qu’elle n’ait que la plus noble et la plus riche taille qu’on puisse jamais voir[1]. Voilà donc, Mesdames, la première partie de mon discours, qui n’auroit pourtant pas fait partir l’esquif, si la seconde ne me pressoit, pour faire sans perdre de temps réparation d’honneur à Mme de Simiane : je passai hier la journée avec la duchesse de Villeroi, qui me demandant si je n’avois point de ses nouvelles, me dit qu’elle en avoit reçu une très-aimable réponse ; aussitôt je remerciai la duchesse de m’avoir appris une si bonne nouvelle, et lui expliquai pourquoi, car je n’aimois point que Mme de Simiane ne fût plus l’exacte et la régulière Pauline. Je suis ravi, comme vous pouvez croire,

  1. Lettre 1446. — 1. Il paraît que la duchesse ressemblait en cela à son frère, qui était laid, mais de belle taille. Voyez tome VII, p. 461.