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1696


jours chez le cardinal de Bouillon, qui n’a qu’un cri après lui, par rapport à vous, Mesdames, et à tout ce qui porte le nom de Grignan, qu’il honore et qu’il aime. Nous fîmes ensemble, c’est-à-dire le Cardinal et moi, un dîner merveilleux dimanche dernier chez la duchesse du Lude, où je déployai à ce cardinal tous vos compliments, qu’il reçut avec une joie et une reconnoissance infinie ; je suis chargé de vous en faire beaucoup de sa part, jusqu’à ce que nous retrouvant tranquillement ensemble à Saint-Martin, nous vous écrivions conjointement dans la même lettre, comme il y a longtemps que c’est son dessein. Savez-vous qu’il a si bien patrociné jusqu’ici avec le Roi et avec ses moines, qu’il croit l’échange assuré de son manoir de Saint-Martin contre un autre dans Pontoise, pour les abbés qui lui succéderont ? ainsi il a fait un beau présent de sa belle maison et de ses beaux jardins par une donation en bonne forme, pour en jouir après sa mort s’entend, avec une habitation assurée à la duchesse sa femme tant qu’elle sera en viduité ; ils ont grand intérêt cependant que le Cardinal en jouisse longtemps car il ne se tiendra jamais, croyant ce fonds assuré à ses héritiers d’y faire beaucoup de dépenses[1]. Le comte de Lux, à qui le Roi, selon la promesse qu’il en avoit faite à feu

  1. 7. On lit dans le Journal de Dangeau au 3 février 1696 : « M. le cardinal de Bouillon, le lendemain du mariage de M. le duc d’Albret son neveu lui a donné pour lui et pour Madame sa femme après sa mort, en cas qu’elle ne se remarie point, le domaine de Pontoise, où il a joint sa belle maison de Saint-Martin avec toutes les acquisitions qu’il y a faites et qu’il y fera d’ici à vingt ans. Il a encore quelque chose à terminer avec les moines pour séculariser cette abbaye, mais les plus grandes difficultés sont levées ; et on ne doute point qu’au premier jour il ne vienne à bout du reste, parce que les moines y trouvent leur compte ; et d’un autre côté, le Roi l’y trouveroit aussi, s’il vouloit un jour retirer ce domaine. »