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point et pour vous et pour elle, ma très-aimable gouvernante, que je n’ai pas le cœur de vous envoyer le second tome de nos mariages. Les lettres ne sont aimables que selon les temps où elles arrivent ; ainsi faites de celle-ci l’usage qui conviendra au temps que vous la recevrez, et croyez bien fermement que, quelque style que je prenne, mon cœur fait son devoir sur tout ce qui vous regarde et cette aimable Comtesse. Je vous dirai après cela que ce fut mardi au soir que se firent les noces du duc d’Albret[1] et de Mlle de la Trémouille, qui auroient été infailliblement plus joyeuses sans le contre-temps de la maladie de la duchesse de Créquy, qui n’a fait qu’augmenter depuis ce temps-là ; car hier même elle étoit en quelque danger ; je ne sais pas encore comme elle est aujourd’hui. L’hôtel de Créquy cependant étoit magnifiquement meublé et illuminé ; il y eut deux tables de quinze ou seize couverts chacune, si bien et si délicatement servies, qu’on dit qu’elles ont surpassé en délicatesse celles de la noce de M. de Barbesieux. Les jeunes gens, pour s’amuser, dansèrent aux chansons, ce qui est présentement fort en usage à la cour ; joua qui voulut, et qui voulut aussi prêta l’oreille au joli concert de Vizé, Marais, Descôteaux et Philibert[2] ; avec cela l’on attrapa minuit,

  1. Lettre 1443. — 1. Emmanuel-Théodose de la Tour, duc d’Albret, devenu par la mort du prince de Turenne (1692) l’aîné des fils du duc de Bouillon. Il épousa le mardi 31 janvier 1696 Marie-Victoire-Armande de la Trémoille, née en 1677, morte en 1717. Elle était fille du duc Charles-Belgique-Hollande (le fils de la princesse de Tarente) et de Madeleine de Créquy. Il mourut, âgé de soixante-trois ans, au mois de mai 1730, après s’être trois fois remarié.
  2. 2. Descôteaux et Philibert étaient des joueurs de flûte très-renommés, Ce dernier avait recherché en mariage la fille de Jean Brunet, riche bourgeois de Paris ; il eut le malheur de plaire à Catherine Bonnières, mère de sa prétendue. La Voisin fut consultée et Mme Brunet devint veuve ; la fortune principale lui appartenait ;