Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1696


vie, afin que le monde jouisse longtemps de tant de bonnes choses ; pour moi, je ne suis plus bonne à rien ; j’ai fait mon rôle, et par mon goût je ne souhaiterois jamais une si longue vie : il est rare que la fin et la lie n`en soit humiliante[1] ; mais nous sommes heureux que ce soit la volonté de Dieu qui la règle, comme toutes les choses de ce monde : tout est mieux entre ses mains qu'entre les nôtres.

Vous me parlez de Corbinelli : je suis honteuse de vous dire que m'écrivant très-peu, quoique nous nous aimions toujours cordialement, je ne lui ai point parlé de vous ; ainsi son tort n’est pas si grand ; je m`en vais lui en écrire sans lui parler d`autre chose : nous verrons si c’est tout de bon que le crime de l’absence soit irrémissible auprès de lui. Je ne le crois pas en me souvenant du goût que je lui ai vu pour vous : je serois quasi dans le même cas à son égard, si j`étois encore longtemps ici ; mais il nous fera voir, comme vous, Monsieur, que le fonds de l’estime et de l’amitié se conserve et n'est point incompatible avec le silence ; et c’est cette seule vérité qui peut me consoler du vôtre[2].

La marquise de Sévigné.

  1. 4. Voyez la lettre du 15 août 1685, tome VII, p. 458.
  2. 5. On avait par erreur dans l'édition de 1818 (tome VIII, p. 229) placé ce dernier alinéa à la suite d’une lettre de date incertaine, et peut-être incomplète, que nous avons rejetée à la fin de ce volume.