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M. de Mornay et de Mlle du Gué ; on ne vit jamais un enfant si difficile à baptiser[1] ; il le sera pourtant ; mais je ne sais point à quoi l’on en est pour le jour, ni même pour le lieu où se célébreront les noces ; rien n°est plus bizarre que tout ce qui se passe entre l’aveugle[2] et sa femme, qui ne peuvent jamais être d’un même avis ; et Mme de Coulanges et Mme de Bagnols sont toujours deux sœurs fort différentes ; je ne sais si je mettrai mon nez dans ces noces-là. Mme de Montcbevreuil cependant m’a dit qu’il falloit bien que je fusse des repas qui se feront à Versailles ; mais croyez-vous que je n’aie encore que cette noce ? Vraiment, j’ai été d’un beau dîner chez M. le cardinal de Bouillon, où je fus prié en cérémonie, et admis avec une distinction qui flatte bien mon amour-propre. Je dînai avec tout ce qui s’appelle Bouillon, la Trémouille et Créquy ; et je fus présenté d’un si bon ton à Mlle de la Trémouille[3], que toute pleine déjà d’honnêtetés et de caresses pour moi, elle me parut la plus belle personne du monde. Voilà ce que fait l’honnêteté jointe à une taille au-dessus de toutes les tailles, et à une grande naissance, qui a toujours pour moi de grands charmes ; car vous savez que j’ai toujours eu du goût pour les poissons nobles. On ne parle point encore du jour que ce mariage se terminera parce qu’il dépend du retour d’un courrier, qui est allé quérir une dispense à Rome. Celui de Mme de Sei-

  1. Voyez tome IX, p. 592.
  2. 5. « M. le marquis de Mornay épouse Mlle de Bagnols, la fille de l’aveugle… Mlle de Bagnols n’a qu’un frère, et on croit ces gens-là fort riches… » (Journal de Dangeau, 5 décembre 1695.) Le mariage eut lieu le 10 janvier suivant, — Ce du Gué ou Bagnols l’aveugle était-il un frère du père de Mmes de Coulanges et de Bagnols ? Son fils, frère de la future marquise de Mornay, épousa en 1703 Mlle de Ménars : voyez la lettre du I7 juin 1703.
  3. 6. Marie-Victoire-Armande de la Trémouille. Voyez ci-après, p. 352, note 1.