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1696 Vauréas, ou en revenir ? Vous croyez donc bien que quand vous y serez, je ne vous plaindrai point du tout ; mais c’est assez parlé de Vauréas. Je veux vous dire maintenant que j’ai beaucoup d’impatience de vous revoir ici, et de faire connoissance avec le jeune et joli seigneur dont vous me parlez ; mais je crains un peu qu’il ne se rebute d’abord sur ma vieillesse, et sur ma figure ; cependant, je puis vous assurer, Madame, que je ne suis pas encore de contrebande en beaucoup de bonnes maisons ; c’est de chez ma seconde femme que je vous écris ; elle m’a trouvé tellement enrhumé, à mon retour de Versailles, où je viens de passer quinze jours, qu’elle ne veut point se confier à Mme de Coulanges pour me désenrhumer ; ainsi voila deux nuits que je couche chez elle, et selon les apparences j’y en coucherai encore plusieurs, pour être des noces de M. de Barbesieux, qui se feront mardi[1]. Je ne vois autour de moi que pierreries, qu’habits magnifiques, que linge étonnant et difficile à croire ; un seul équipage de tête, cinq cents écus ; je ne vois que repas somptueux, que symphonie exquise ; enfin je suis dans une fort bonne maison, où je reçois toujours beaucoup d’honneurs et de distinctions, et où je m’entends appeler très-souvent du doux nom de mari et de beau-père. J’ai un appartement très-bon, très-chaud et très-voisin de celui de Mme la duchesse de Villeroi ; c’est où je vais prendre mon eau sucrée, avant que de me coucher. Il y a des temps infinis que je n’ai écrit à Mme de Sévigné, non plus qu’à Madame votre mère ; mais j’espère que par vous elles entendront parler de moi. Pendant que je suis ici dans les noces de mon fîls de Barbesieux, Mme de Coulanges laboure sa pauvre vie pour celles de

  1. 3. Le 10 janvier. Voyez ci-dessus, p. 153, seconde partie de la note 2.