Adieu, ma chère cousine : une autre fois nous parlerons des affaires du monde ; je ne suis aujourd’hui que dans l’humeur de parler de mes enfants.
1691
1323. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
Mon cher Coulanges, hélas ! vous avez la goutte au pied, au coude, au genou : cette douleur n’aura pas grand chemin à faire pour tenir toute votre petite personne. Quoi ? vous criez ! vous vous plaignez ! vous ne dormez plus ! vous ne mangez plus ! vous ne buvez plus ! vous ne chantez plus ! vous ne riez plus ! Quoi ? la joie et vous, ce n’est plus la même chose ! cette pensée me fait pleurer ; mais pendant que je pleure, vous êtes guéri ; je l’espère, et je le souhaite. Ces jolis couplets[1] que vous avez envoyés à Mme de Nevers, malgré votre goutte, ne sont point assurément les derniers que vous aurez faits[2] ;
- ↑ Lettre 1323 — 1. Sans doute les trois triolets, comme les nomme Coulanges, qu’il a insérés dans ses Mémoires (p. 248 et 249). Voici les deux premiers, où il parle de sa goutte (nous avons cité le troisième plus haut, p. 16, note 16) :
Chacun me présente le poing,
De peur qu’un faux pas je ne fasse ;
Sans aide je ne marche point,
Que je deviens oiseau de chasse.
Me voilà donc réduit au point
Que je deviens oiseau de chasse.
Ah, mon Dieu ! le cruel destin
De tomber en métamorphose !
Ma goutte en est le grand chemin ;
Ah, mon Dieu ! le cruel destin !
Et quel ennui de vivre enfin
Toujours perché sur quelque chose. - ↑ 2. Coulanges adressa en effet au duc et à la duchesse de Nevers