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Adieu, ma chère cousine : une autre fois nous parlerons des affaires du monde ; je ne suis aujourd’hui que dans l’humeur de parler de mes enfants.


1691

1323. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Grignan, le 23e juin.

Mon cher Coulanges, hélas ! vous avez la goutte au pied, au coude, au genou : cette douleur n’aura pas grand chemin à faire pour tenir toute votre petite personne. Quoi ? vous criez ! vous vous plaignez ! vous ne dormez plus ! vous ne mangez plus ! vous ne buvez plus ! vous ne chantez plus ! vous ne riez plus ! Quoi ? la joie et vous, ce n’est plus la même chose ! cette pensée me fait pleurer ; mais pendant que je pleure, vous êtes guéri ; je l’espère, et je le souhaite. Ces jolis couplets[1] que vous avez envoyés à Mme de Nevers, malgré votre goutte, ne sont point assurément les derniers que vous aurez faits[2] ;

  1. Lettre 1323 — 1. Sans doute les trois triolets, comme les nomme Coulanges, qu’il a insérés dans ses Mémoires (p. 248 et 249). Voici les deux premiers, où il parle de sa goutte (nous avons cité le troisième plus haut, p. 16, note 16) :

    Chacun me présente le poing,
    De peur qu’un faux pas je ne fasse ;
    Sans aide je ne marche point,
    Que je deviens oiseau de chasse.
    Me voilà donc réduit au point
    Que je deviens oiseau de chasse.
    Ah, mon Dieu ! le cruel destin
    De tomber en métamorphose !
    Ma goutte en est le grand chemin ;
    Ah, mon Dieu ! le cruel destin !
    Et quel ennui de vivre enfin
    Toujours perché sur quelque chose.

  2. 2. Coulanges adressa en effet au duc et à la duchesse de Nevers