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1695 silence que je crois que vous avez entendu. Je le romps aujourd’hui, Monsieur, parce que M. de Grignan ne trouve pas que le mariage d’une fille mérite d’en écrire à un ministre comme vous ; et ma fille ne pouvant encore vous écrire de sa main, et n’osant en prendre une autre que la mienne, je me trouve insensiblement le secrétaire de l’un et de l’autre. Je sais que vous aimez Mlle de Grignan ; elle n’oseroit changer de nom sans que vous en soyez informé : celui de Simiane n’est pas inconnu.

Voilà, Monsieur, toute ma commission finie ; et comme il y a quelque plaisir à se défaire de telle marchandise, nous vous prions de faire Mademoiselle votre fille la Félicité[1] d’une autre maison : c’est un présent digne de vous, et qui recevra un nouveau prix quand vous le ferez vous-même. Voilà, Monsieur, les conseils que l’on donne quand on est sur le point de faire une noce ; mais elle se fera sans bruit et sans aucune cérémonie, et comme il convient à l’état de foiblesse où ma fille est encore. J’espère qu’il nous reviendra des forces, que nous emploierons à vous aller dire nous-mêmes à quel point vous êtes sincèrement honoré de tout ce qui est ici. Cependant nous perdons M. Nicole[2] : c’est le dernier des Romains. Et je suis toujours, Monsieur, votre très-humble et très-obéissante servante,

La M. de Sévigné..

Nous vous supplions de faire part de cette lettre à Madame votre femme, en l’assurant de nos très-humbles services.

  1. 2. La fille de Pompone s’appelait Catherine-Félicité. Voyez ci-après, p. 405, la note 1 de la lettre du 7 août 1696, et le Journal de Dangeau, au 20 septembre 1695,
  2. 3. Voyez la page précédente, note 4.