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1695 en soyons par notre tristesse : il faut aimer ses amis avec leurs défauts ; c’en est un grand que d’être malade. Dieu vous en préserve, mon aimable ! J’écris à Mme de Coulanges sur le même ton plaintif qui ne me quitte point ; car le moyen de n’être pas aussi malade par l’esprit, que l’est dans sa personne cette Comtesse que je vois tous les jours devant mes yeux ? Mme de Coulanges est bien heureuse d’être hors d’affaire ; il me semble que les mères ne devroient pas vivre assez longtemps pour voir leurs filles dans de pareils embarras ; je m’en plains respectueusement à la Providence.

Nous venons de lire un discours qui nous a tous charmés, et même Monsieur l’archevêque d’Arles, qui est du métier : c’est l’oraison funèbre de M. de Fieubet par l’abbé Anselme[1]. C’est la plus mesurée, la plus sage, la plus convenable et la plus chrétienne pièce qu’on puisse faire sur un pareil sujet ; tout est plein de citations de la sainte Écriture, d’applications admirables, de dévotion, de piété, de dignité, et d’un style noble et coulant. Lisez-la : si vous êtes de notre avis, tant mieux pour nous ; et si vous n’en êtes pas, tant mieux pour vous, en un certain sens : c’est signe que votre joie, votre santé et votre vivacité vous rendent sourd à ce langage ; mais quoi qu’il en soit, je vous donne cet avis, puisqu’il est sûr qu’on ne rit pas toujours : c’est une chanson qui dit cette vérité.

  1. Lettre 1433. — 1. Voyez les Oraisons funèbres de l’abbé Anselme, Paris, 1701, p. 405. — Le texte que l’abbé Anselme avait choisi (dans le livre de Job, chapitre XX1X, versets 17 et 18) s’appliquait de la manière la plus heureuse au magistrat qui venait de terminer sa vie dans une sage retraite : Conterebam malus iniqui, et de dentibus illius auferebam prœdam ; dicebamque : « In nidulo meo moriar. » (Note de l’édition de 1818.)