Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1695 peut jeter quelques petits chagrins ; mais cela s’est passé : M de Saint-Amant a songé en lui-même qu’il ne lui seroit pas bon d’être brouillé avec ma fille. Ainsi il est venu ici, plus doux qu’un mouton, ne demandant qu’à plaire et à ramener sa fille à Paris, ce qu’il a fait, quoiqu’en bonne justice elle dût nous attendre ; mais l’avantage d’être logée avec son mari dans cette belle maison de M. de Saint-Amant, d’y être bien meublée, bien nourrie pour rien, a fait consentir sans balancer à la laisser aller jouir de tous ces avantages ; mais ce n’a pas été sans larmes que nous l’avons vue partir[1], car elle est fort aimable, et elle étoit si fondue en pleurs en nous disant adieu, qu’il ne sembloit pas que ce fût elle qui partît pour aller commencer une vie agréable, au milieu de l’abondance. Elle avoit pris beaucoup de goût à notre société. Elle partit le premier de ce mois avec son père.

Croyez, mon fils, qu’aucun Grignan n’a dessein de vous faire des finesses, que vous êtes aimé de tous, et que si cette bagatelle avoit été une chose sérieuse, on auroit été persuadé que vous y auriez pris bien de l’intérêt, comme vous avez toujours fait.

M. de Grignan est encore à Marseille : nous l’attendons bientôt car la mer est libre et l’amiral Russell9[2] qu’on ne voit plus, lui donnera la liberté de venir ici.

Je ferai chercher les deux petits écrits dont vous me parlez. Je me fie fort à votre goût. Pour ces lettres à Monsieur de la Trappe[3], ce sont des livres qu’on ne sau-

  1. 8. Mme de Sévigné ne devait plus la revoir. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 9. Voyez ci-dessus, p. 169, note 4, et p. 193, note 3.
  3. 10. Les jansénistes, mécontents d’une phrase sur la mort d’Arnauld qui se trouvait dans une lettre adressée par Rancé à l’abbé Nicaise, faisaient courir des lettres fort vives, une entre autres du P, Quesnel. « Enfin, avait écrit l’abbé de Rancé, voilà M. Arnauld mort : après avoir poussé sa carrière le plus loin qu’il a pu, il a fallu