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1695 se porte cette grande duchesse, qui a pour garde, par préférence à toute autre, Mme de Saint-Germain[1] avec une quenouille à son côté et le fuseau à la main. Je viens encore de passer les plus aimables jours du monde à Saint-Martin ; M. de Chaulnes nous y est venu voir avec Mme de Guénégaud[2]. Vous demandez, Mesdames, toutes les folies que produiront le voyez-vous ? — Non. — Ni moi non plus. En voici de toutes nouvelles, mais les dernières pour ne pas pousser à bout cette plaisanterie, qui en deviendroit mauvaise à la fin. M. le cardinal de Bouillon, pour adoucir la destinée de ses nièces, qui sont dans des couvents, au moins les deux dernières, car l’aînée est à la cour, les mène à Saint-Martin, et se charge plus volontiers encore de Mlle d’Albret que de Mlle de Château-Thierry, en sorte que nous appelons la petite d’Albret Madame de Saint-Martin, et que c’est elle qui en fait les honneurs ; et même en ce temps-ci elle préfère à Port-Royal de Paris une maison de religieuses de Pontoise, où elle demeure pendant les petits séjours que son oncle est obligé d’aller faire à Versailles et à Marly, en sorte qu’à l’heure présente, elle est dans son couvent de Pontoise, le Cardinal étant à Versailles pour s’en aller aujourd’hui à Marly avec Sa Majesté. Mais revenons à nos moutons : M. de Chaulnes s’apprivoisa avec la petite d’Albret ; il la trouva jolie, et ne put même s’empêcher de lui dire, en sorte qu’en même temps je m’avisai de lui proposer de la prendre pour sa belle-fille[3] : « Plût à Dieu ! dit M. de Chaulnes. Mais, hélas ! voyez-vous ce mari, ce duc de Pecquigny, ce fils unique ? — Non. — Ni moi non plus ; »  et de rire.

  1. 2. Voyez tome VIII, p. 480, note 19, et ci-dessus, p. 249·
  2. 3. Voyez tome IX, p. 304, note 9.
  3. 4. Le duc de Chaulnes n’avait point d’enfants.